Par Jean-Philippe Louis
Publié le 16 août 2016 à 15:26
Les Jeux Olympiques ont beau changer de lieu tous les quatre ans, les Américains et les Chinois semblent continuellement jouer à domicile. Que ce soit à Athènes en 2004, Pékin en 2008, Londres en 2012, le classement des médailles aux JO ressemble à s’y méprendre au des plus grandes puissances économiques de la planète. Les Etats-Unis d’abord. Toujours. Et la Chine qui grapille. Encore.
Le cru 2016 semble aujourd’hui légèrement altéré : ce n’est pas la Chine qui se classe pour l’instant deuxième, mais la Grande-Bretagne. Fer de lance de cette #teamUK, Andy Murray qui remporte deux fois la médaille d’or en tennis. En clair, la Grande-Bretagne gagne, mais est-ce vraiment une surprise ?
La Grande-Bretagne, leader oublié
Le pays souffre du déficit de popularité de l’éternel troisième. Le cruel monde du sport ne retient que le premier et laisse une petite place au second sauf en cas de défaite avec panache. Pour le troisième, le voilà relégué dans les limbes du musée olympique et des fiches Wikipédia.
Car on l’a oublié mais le Royaume-Uni, qui jouait à domicile, était troisième des Jeux Olympiques à Londres en 2012. Le pays comptabilisait 29 médailles en or, 17 en argent et 19 en bronze. Il était précédé de la Chine avec 65 médailles dont 38 en or et des Etats-Unis, impériaux dans – presque – tous les domaines avec 103 médailles dont 46 en or.
En 2008, le Royaume-Uni était quatrième derrière la Russie et les Etats-Unis. La Chine se classait à l’époque première du classement. Cette fois, c’est la Chine qui évoluait à domicile.
La Russie pénalisée dans le classement
Pour comprendre pourquoi la Grande-Bretagne s’en sort aussi bien cette année, il faut aussi regarder du côté de son concurrent direct dans le classement des médailles. Et ce n’est pas la Chine, mais plutôt la Russie si l’on se réfère au classement 2012. A l’époque, la Grande-Bretagne finissait troisième en médailles d’or face à la Russie. Mais cette dernière gagnait largement au nombre total de médailles avec 81 breloques contre 65 pour le Royaume-Uni.
Cette année, la délégation russe a été fortement pénalisée et a failli être absente des JO. Finalement, le pays a été représenté mais avec un nombre d’athlètes réduit, surtout en athlétisme, discipline où le Royaume-Uni avait terminé deuxième en 2012 derrière les Etats-Unis.
VIDEO : Jeux Olympiques : où se situe la France en termes de médailles d’or ?
La plus grosse délégation depuis 1992
L’équation est simple : plus d’athlètes, c’est quasiment l’assurance d’avoir plus de chances de médailles. Les Etats-Unis par exemple, qui reste l’équipe avec le plus grand nombre de médailles est aussi celle qui présente le plus grand nombre d’athlète : 554 au total.
Le Royaume-Uni s’est converti à cette simple équation. Ainsi, elle présente 366 athlètes cette année, c’est moins que les 542 compétiteurs présentés à Londres en 2012, mais le pays était à domicile. Au final, à l’exception de 2012, c’est la plus grosse délégation présentée par le Royaume-Uni depuis les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992.
La Chine, qui généralement occupe la deuxième place du classement, a présenté 412 athlètes dans 21 sports. En 2012, elle présentait 396 athlètes, mais dans 23 sports. L’équation parfois ne prend pas : la France par exemple présente aussi la plus grosse délégation depuis 1992 (396) et se situe pour l’instant au même niveau qu’en 2012, à la septième position.
La leçon des JO de 1994 et la loterie nationale
La Grande-Bretagne ne s’est jamais pardonné les Jeux Olympiques de 1996. Là, elle terminait 36e au tableau des médailles avec une seule médaille en or – la France terminait à l’époque cinquième et l’Allemagne et la Russie avait fait une grande compétition.
A la suite des ces Jeux ratés, les britanniques décident de financer le sport olympique grâce à la loterie nationale qui reverse une part des profits. La répartition des fonds est ingénieuse : les sports qui ont le plus d’argent sont ceux qui ont le plus de chances de médailles aux JO. « Seules les sports qui peuvent démontrer un potentiel de médaille clair sur un cycle de huit ans peuvent espérer obtenir un financement », informe The Telegraph.
Les gagnants ont de l’argent, les perdants sont laissés pour compte. En 2012, l’aviron avec ses 54 médailles dans son histoire recevait par exmeple 35 millions d’euros quand le tennis de table en obtenait 1,5, indique Le Parisien.
Lire aussi :
> JO : la leçon britannique
Mais ce n’est que le début pour la Chine
Enfin, il faut rappeler les Jeux Olympiques ne sont pas encore terminés. La Russie va sûrement avoir du mal à dépasser la Chine et le Royaume-Uni vu leur faible nombre d’athlètes. En revanche, les prochains jours vont être décisifs pour la Chine. D’abord, le pays a déjà plus de médailles que la Grande-Bretagne au total même si cette dernière domine en nombre de médailles d’or.
16 pour les Anglais contre 15 pour la Chine. Il suffit d’une médaille d’or à la Chine pour repasser devant les Britanniques. Il reste plusieurs compétitions dans lesquelles la Chine pourrait se démarquer : dès aujourd’hui X.C Huang et W. Sun participeront à la finale duo femmes de natation synchronisée mais aucune Britannique. Au badminton encore, la Chine affrontera la Grande-Bretagne en demi-finale, le gagnant aura forcément une médaille de plus que l’autre. Il y a aussi les finales hommes de plongeon à 3 mètres ce mardi par exemple. En 2012, la Russie l’avait emporté devant deux Chinois et pas de Britanniques.
Même si la Grande-Bretagne l’emportait à la fin de ces JO face à la Chine, il convient de rappeler que le Royaume-Uni ne verse aucune prime à ses athlètes pour une médaille d’or. La Chine verse de son côté 68.000 euros. Dans ce cas, savoir qui est la gagnant est affaire de point de vue.
Les principales victoires britanniques
La victoire britannique la plus médiatisée est évidemment celle d’Andy Murray qui réussi l’exploit de conserver sa médaille d’or gagnée à Londres en 2012. Mais d’autres sportifs se sont brillamment distingués comme Jason Kenny, sorti vainqueur du cyclisme sur piste en individuelle. Il était opposé à un autre britannique Callum Skinner. Autre fait marquant, le gymnaste Max Whitlock qui parvient à gagner deux médailles d’or en une seule journée : au sol et au cheval d’arçons. En Cyclisme sur piste, Bradley Wiggins sort vainqueur de la poursuite par équipes. Pour rappel Wiggins est le vainqueur du tour de France édition 2012. Premier britannique à remporter la fameuse grande boucle.
JO PÉKIN 2022 – Découvrez le tableau des médailles des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin 2022, qui se déroulent du 5 au 20 février 2022.
Tableau mis à jour le dimanche 20 février à 07h25 (109/109).
RangNations🥇 Or🥈 Argent🥉 BronzeTotal
1.
🇳🇴 NORVÈGE
1681337
2.
🇩🇪 ALLEMAGNE
1210426
3.
🇨🇳 CHINE
94215
4.
🇺🇸 ETATS-UNIS
810725
5.
🇸🇪 SUEDE
85518
6.
🇳🇱 PAYS-BAS
85417
7.
🇦🇹 AUTRICHE
77418
8.
🇨🇭 SUISSE
72615
9.
ROC
ROC
6121432
10.
🇫🇷 FRANCE
57214
11.
🇨🇦 CANADA
481426
12.
🇯🇵 JAPON
36918
13.
🇮🇹 ITALIE
27817
14.
🇰🇷 CORÉE DU SUD
2529
15.
🇸🇮 SLOVÉNIE
2327
16.
🇫🇮 FINLANDE
2248
17.
🇳🇿 NOUVELLE-ZÉLANDE
2103
18.
🇦🇺 AUSTRALIE
1214
19.
🇬🇧 GRANDE-BRETAGNE
1102
20.
🇭🇺 HONGRIE
1023
21.
🇸🇰 SLOVAQUIE
1012
21.
🇨🇿 RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
1012
21.
🇧🇪 BELGIQUE
1012
24.
🇧🇾 BIELORUSSIE
202
25.
🇪🇸 ESPAGNE
101
25.
🇺🇦 UKRAINE
101
27.
🇱🇻 LETTONIE
011
27.
🇵🇱 POLOGNE
011
27.
🇪🇪 ESTONIE
011
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Depuis le début des années 1990, la France reculait inlassablement dans le classement des médailles des jeux paralympiques : 4e en 1992, 6e en 1996, 7e en 2000, 9e en 2004, 12e en 2008, 16e en 2012. Cette année à Rio, la chute s’est enrayée. La France a fini 12ème avec neuf médailles d’or et vingt-huit médailles au total.
Les objectifs déclarés de Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des Sports, étaient de dix médailles d’or, entre quarante et cinquante médailles et une place dans les dix meilleures nations du monde. Emmanuel Assmann, présidente du Comité paralympique et sportif français, parlait de son côté de faire mieux qu’à Londres et de se rapprocher du top 10.
Si les objectifs ne sont pas totalement atteints, personne ne parle d’échec. D’abord en raison de la remontée dans le classement par rapport à 2012. Ensuite parce que la place de la France dans ce classement est parfois relativisée par d’autres acteurs sportifs et politiques. Nous pouvons, à cet égard, citer la réponse de Ségolène Neuville, secrétaire d’État aux Personnes handicapées, sur le plateau de France télévision, le 17 septembre dernier alors qu’un journaliste lui demandait comment gagner plus de médailles :
« Il y a deux choses différentes : vouloir à tout prix des sportifs paralympiques et des médailles, et le fait de vouloir des clubs qui accueillent des personnes handicapées. »
Une corrélation relative entre réussite aux jeux et conditions de vie des personnes handicapées
Ségolène Neuville a globalement raison. Il y a quelques années, Ian Brittain montrait la corrélation partielle entre le développement socio-économique d’un pays, l’accessibilité des espaces sociaux pour les personnes handicapées et la réussite paralympique. Dans son article, le chercheur notait ainsi l’importance de prendre en compte la situation des pays, soulignant comme a pu le faire un article paru dans Le Monde il y a quatre ans, le faible nombre de médailles des « pays pauvres ».
Tasso Marcelo / AFP
Mais, en parallèle, Ian Brittain expliquait aussi la réussite d’un pays par l’investissement politique et financier spécifiquement sur le sport paralympique. Il citait alors l’exemple de la Chine, première au classement des médailles, mais dont les politiques en matière de handicap restent aujourd’hui limitées malgré certaines évolutions. L’exemple du Royaume-Uni peut également être cité : alors que le pays était érigé en exemple en 2012 pour l’organisation des Jeux de Londres et la réussite de ses sportifs, The Independent mettait en lumière certaines voix s’élevant contre l’hypocrisie gouvernementale envers les personnes handicapées et dénonçant des coupes budgétaires au niveau de certaines allocations.
Pour réussir aux Jeux paralympiques, les pays mentionnés ont massivement investi dans des structures de préparation pour les sportifs de haut niveau. Ils ont aussi professionnalisé leur mouvement paralympique. La recette est donc finalement similaire à celle permettant les victoires aux Jeux olympiques souvent questionnées en sociologie et économie du sport, comme l’a rappelé un article de Pierre Rondeau publié ici même le mois dernier.
Yasuyoshi Chiba/AFP
La recette est similaire… et différenciée. Les investissements pour les Jeux olympiques et pour les Jeux paralympiques ne sont pas toujours liés. Ainsi, des décalages apparaissent parfois entre la réussite olympique et paralympique. C’est le cas avec l’Ukraine dont la réussite paralympique interroge tous les deux ans (jeux d’été comme jeux d’hiver) le grand public.
Sport pour tous vs sport de haut niveau
L’année dernière, après la non-qualification pour les Jeux de l’équipe de France masculine de Cecifoot et de Basket fauteuil, Gérard Masson, président de la Fédération française handisport, soulevait l’intérêt de la création d’un INSEP pour les sportifs paralympiques. Mais l’idée d’augmenter les moyens pour le haut niveau, au risque d’abaisser ceux pour les autres formes de pratique, peine à convaincre les dirigeants des fédérations spécifiques.
Critiques envers les modèles étrangers, ces dirigeants refusent tout autant dans leur discours de sacrifier certaines disciplines rapportant peu de médailles pour d’autres plus rémunératrices. Certains choix sont, néanmoins, faits dans ce sens. La Fédération française handisport a notamment décidé de « disciplines prioritaires » dans la perspective des jeux de 2020 et a lancé une nouvelle politique de détection de jeunes dans une perspective de réussite paralympique.
Christophe Simon/AFP
Ces choix fédéraux, qui peuvent apparaître ambigus, sont favorisés par les positionnements du ministère des Sports et de ses dirigeants. Comme l’ont montré les discours cités en introduction, l’État défend une politique sportive d’accessibilité et d’intégration en matière de handicap. L’objectif est de soutenir et financer l’ensemble des fédérations développant des actions, y compris des fédérations non paralympiques.
En parallèle, elle attend des résultats aux Jeux paralympiques, comme le montrent ces propos de l’ancien directeur des Sports Thierry Mosimann, lors d’une réunion bilan des jeux de Londres, en novembre 2012 :
« La performance des équipes de France, dans les grandes compétitions internationales et notamment aux Jeux olympiques et paralympiques, c’est en fait un enjeu national, c’est du prestige international de notre pays dont il est question. »
Cette posture apparaît clairement dans le rapport aux fédérations. Lors d’un entretien en 2013 (réalisé dans le cadre de recherches doctorales), un dirigeant de la Fédération française handisport décrivait la pression provenant du ministère des Sports en matière de réussite paralympique et précisait que les enjeux de la FFH étaient finalement similaires à ceux de toute autre fédération olympique :
« Après Londres, on s’est fait démonter, y compris par le ministère des Sports alors qu’on prend 12 000 licenciés en cinq ans, 500 clubs […]. C’est comme ça, c’est l’image de la France […]. Tu es obligé de montrer que tu fais quelque chose pour redresser la barre paralympique, ça ne se discute pas dans la stratégie des fédérations. »
La coopération interfédérale comme solution ?
Ces propos montrent bien que la situation complexe des fédérations et du ministère au regard des Jeux paralympiques n’est finalement pas si différente de celle des Jeux olympiques. Ces derniers jours, les questions d’orientation des financements pour le monde sportif sont d’ailleurs au cœur de controverses. Faire le lien entre le sport de haut niveau valide et le sport de haut niveau handisport et sport adapté est alors peut-être une solution à l’équation.
Leon Neal / AFP
Depuis plusieurs années, des coopérations se sont développées entre fédérations disciplinaires et fédérations spécifiques afin de faciliter la préparation aux Jeux paralympiques. C’est le cas au niveau du tennis avec, d’un côté, la fédération handisport qui organise les règlements et le circuit national et de l’autre la fédération de tennis qui soutient les meilleurs sportifs afin qu’ils augmentent leurs chances de médailles.
C’est aussi le cas au niveau du canoë-kayak, du triathlon et de l’aviron, disciplines pour lesquelles la fédération handisport a délégué en 2013 l’organisation du haut niveau aux fédérations disciplinaires. Enfin, nous pouvons citer la préparation des sportifs paralympiques en judo, menée au sein de la fédération handisport, mais soutenue par la fédération française de judo et disciplines associées. Dans toutes ces disciplines, la France a été médaillée à Rio et l’investissement ne s’est pas fait au détriment d’une réduction des moyens pour la pratique pour tous. À l’heure où les bilans des jeux de Rio démarrent, ces modèles de coopération devraient a priori être au cœur des débats, pour peut-être à terme, devenir une norme.
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