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Dissertation olympe de gouges corrigé

Corrigé

Introduction

« Longtemps j’ai pris ma plume pour une épée, à présent je connais notre impuissance », écrit Jean-Paul Sartre à la fin de son autobiographie, Les Mots (1964), exprimant ainsi, à la suite d’autres écrivains qui l’ont précédé, un certain désenchantement quant au pouvoir politique que pourrait détenir la littérature. Pourtant, les menaces de mort, les persécutions qu’ont subies et subissent de nombreux écrivains à travers le monde, de Rabelais à Salman Rushdie, en passant par Olympe de Gouges et Voltaire, par exemple, suffisent à témoigner du fait que la littérature dérange. Que peut alors la littérature lorsqu’elle se mêle de politique ?

Table des matières

Nombre d’écrivains ont envisagé la littérature comme une arme leur permettant de façonner les hommes et la société. Toutefois, les défaites de la démocratie et le non-respect des droits humains ont montré que la littérature pouvait se révéler impuissante. De ce fait, peut-être faut-il plutôt percevoir la littérature comme un bouclier : un contre-pouvoir.

Prendre sa plume comme une épée

Affûter l’esprit : éduquer

La philosophie et la littérature se sont longtemps proposé d’éduquer les princes appelés à gouverner un peuple, notamment grâce aux « miroirs des princes », le genre du « miroir » (sorte de manuel moral et politique) étant apparu dès le Moyen Âge. C’est de cette tradition que semble hériter La Fontaine lorsqu’il dédie ses Fables au Dauphin de France : « L’apparence en est puérile, je le confesse ; mais ces puérilités servent d’enveloppe à des vérités importantes. » Ainsi les différentes fables qui composent son recueil abordent-elles des thèmes moraux et politiques qui doivent permettre au jeune Dauphin d’affûter son esprit afin de gouverner avec justice et justesse.

Pourfendre préjugés et dogmatismes

La littérature sert aussi d’arme lorsqu’elle est utilisée pour pourfendre préjugés et dogmatismes, comme le firent les écrivains des Lumières et, parmi eux, tout particulièrement Voltaire. Dans ses contes philosophiques, ses héros enseignent aux lecteurs une nouvelle façon de percevoir le monde et donc d’y prendre place. Le sage Zadig, par exemple, héros éponyme du conte de 1748, juge de toutes choses avec raison et discernement, comme lorsqu’il devient Premier ministre au chapitre 

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. Face à ce personnage mesuré et rationnel, la critique des dogmatismes et fanatismes apparaît d’autant plus véhémente, comme dans le chapitre 

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, intitulé « Le souper », où éclate une dispute entre croyants de différentes confessions à laquelle Zadig met fin dans un esprit de tolérance.

La littérature peut ainsi être utilisée comme une arme destinée à lutter contre les despotismes et dogmatismes. Néanmoins, face à la violence humaine, elle se révèle parfois impuissante.

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Aveu d’impuissance de la littérature ?

Désenchantement et refus de l’engagement : le divorce entre littérature et politique

En France, l’histoire politique mouvementée du

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e siècle a suscité à la fois beaucoup d’espoirs et de désillusions, allant jusqu’au désenchantement. L’amertume de Gérard de Nerval est par exemple patente après l’échec de la révolution de juillet 1830, à la suite de laquelle est instituée une monarchie constitutionnelle et non une république. Dans son poème « En avant, marche ! », la politique est décrite comme « une vieille hideuse », une « prostituée / De tous les trônes absolus », et la liberté comme une chimère. Théophile Gautier, quant à lui, déjà perçu comme le chef de file de « l’art pour l’art », décide de fermer définitivement ses fenêtres à la politique après la révolution de 1848 et le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, comme il l’écrit dans la préface de son recueil Émaux et Camées (1852) : « Sans prendre garde à l’ouragan / Qui fouettait mes vitres fermées, / Moi, j’ai fait Émaux et Camées ».

Des textes restés lettre morte ?

De fait, il semble que la littérature ait un bien mince pouvoir politique, comme le manifeste l’histoire de certains textes, à commencer par la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, qui n’eut qu’un faible écho politique et fut longtemps oubliée, jusqu’au

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e siècle, où elle fut republiée grâce à la romancière féministe Benoîte Groult. Il en fut de même de l’ouvrage de François Poullain de La Barre, De l’égalité des deux sexes (1673), texte pourtant lui aussi majeur et précurseur concernant l’égalité entre femmes et hommes. De la même façon, les nombreux plaidoyers de Victor Hugo en faveur de l’abolition de la peine de mort, que l’on pense au Dernier Jour d’un condamné (1829), à Marion Delorme (1831) ou à Claude Gueux (1834), n’ont pas eu d’effet immédiat.

Et pourtant, ces textes nous sont parvenus, nous les lisons encore et nous en mesurons toute l’importance. Aussi faut-il penser le pouvoir politique de la littérature à travers le temps : comme le dit le proverbe latin, « les paroles s’envolent, les écrits restent ».

La littérature comme bouclier : un contre-pouvoir

Défendre : faire entendre des voix inaudibles ou muselées

Comme l’écrit Italo Calvino dans La Machine littérature (1984), « la littérature est nécessaire à la politique avant tout lorsqu’elle donne une voix à qui n’en a pas ». La littérature est donc cet espace où se font entendre des voix autrement inaudibles. L’engagement de Voltaire dans l’affaire Calas (1761-1765) puis dans celle du chevalier de La Barre (1765-1766) permet la réhabilitation posthume de ces deux condamnés à la torture et à la mort. Dans le cas de l’affaire Sirven, Voltaire obtient même la relaxe et la réhabilitation de la famille Sirven de son vivant. L’intervention de Voltaire permet ainsi à ces familles protestantes injustement accusées de faire entendre leur vérité. Lorsqu’elle rédige sa Déclaration, Olympe de Gouges aussi fait entendre une voix souvent muselée, celle des femmes, rappelant qu’à rôle égal lors de la Révolution française, les femmes n’ont pourtant pas obtenu les mêmes droits que les hommes.

Dénoncer : changer nos représentations

La littérature sert enfin à faire évoluer nos représentations. C’est à ce travail de longue haleine que se livre notamment Olympe de Gouges dans sa Déclaration en réfléchissant à la question de la « nature » des femmes : elle affirme que les femmes sont par nature égales en droits aux hommes et que la ruse habituelle qu’on leur prête ne leur est point naturelle mais est au contraire la conséquence d’une contrainte sociale. Ce faisant, Olympe de Gouges libère les femmes des clichés négatifs qui pèsent sur elles, libération symbolique nécessaire pour que s’accomplisse une libération civile et politique.

Conclusion

Certes, lorsqu’il écrit « Longtemps j’ai pris ma plume pour une épée, à présent je connais notre impuissance », Sartre semble une fois pour toutes affirmer l’absence de pouvoir politique de la littérature. Mais ce serait oublier qu’il ajoute aussitôt après : « N’importe : je fais, je ferai des livres ; il en faut ; cela sert tout de même. » C’est que le pouvoir politique de la littérature doit être pensé à travers le temps et non dans l’immédiateté d’une publication : comme la Déclaration d’Olympe de Gouges, certains textes portent leurs fruits bien des années, voire des siècles après leur publication. La littérature s’avère alors être un véritable contre-pouvoir, résistant à l’épreuve du temps, au musellement de la parole et de la pensée.

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1.    En vous basant sur la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, explicitez la thèse soutenue par Olympe de Gouges.

Il s’agit de montrer que le combat d’Olympe de Gouges possède deux facettes, la libération civile et la libération politique de la femme. En pointant du doigt les nombreuses injustices subies par les femmes, dans leur nature même, donc d’un point de vue social (manque d’instruction, difficulté du labeur, contrainte du foyer, critique du mariage). Puis en militant pour des droits politiques (propriété, liberté, opinion, représentation), en complétant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle questionne les principes de notre démocratie, les origines de la citoyenneté.

 

2.    Comment la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne fait-elle valoir le caractère militant de l’écriture d’Olympe de Gouges ?

Ce sujet invite à contempler l’énergie combative qui se dégage de ses textes. Comme le déclare Michelle Perrot, « l’écriture fut pour elle surtout instrumentale, un cri protestataire, véhément. Elle avait le talent du manifeste »[1]. Olympe de Gouges s’implique totalement pour sa cause, à travers la forte présence du « je » dans son texte, l’usage provocant du tutoiement, l’interpellation directe des femmes. Elle utilise une éloquence audacieuse et parfois insolente pour attaquer et mobiliser. Ne se contentant pas d’écrire pour dénoncer, elle propose et se projette au-delà du combat. L’écriture est un véritable mode d’action.

 

3.    Après la lecture de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, pensez-vous que littérature et politique fassent bon ménage, qu’une oeuvre peut être utile pour défendre une thèse ou dénoncer des inégalités ?

L’histoire prouve que littérature et politique sont intiment liées, d’abord car les auteurs ont souvent offert aux gouvernants de les instruire à travers des textes moraux notamment (Machiavel, La Fontaine, Rabelais). D’autres ont usé de leur talent comme d’un instrument de combat pour anéantir doctrines et préjugés, servitudes et tyrannies (Voltaire, Hugo, Zola). Il en est ainsi d’Olympe de Gouges, qui ira jusqu’à payer de sa vie son engagement et qui restera longtemps ignorée. Au regard de son destin et face à la violence de la nature humaine, la littérature semble un bien piètre allié. Mais comment juger la puissance de la littérature ? Au nombre de cris étouffés à qui elle permet d’éclore ? L’impact instantané d’un texte peut être minime, certes, mais il faut le replacer dans le tempo intrinsèque aux écrits qu’est le temps long. C’est un travail de l’ombre, tout en douceur, qui transforme nos représentations, à l’image d’Olympe qui inspirera bon nombre de féministes au XXe siècle. Dès lors, la littérature peut être perçue comme un bouclier, un contre-pouvoir en politique.

4.    En quoi l’oeuvre d’Olympe de Gouges est-elle caractéristique du siècle des Lumières ?

Il s’agit de montrer comment l’oeuvre d’Olympe de Gouges est guidée par la raison et par la science en vue d’une société plus juste. Croyant fermement au progrès humain, elle ne se contente pas de prêcher l’égalité des sexes, mais elle se bat également pour l’abolition de l’esclavage et la reconnaissance des plus démunis. Elle s’inscrit également dans la pensée des Lumières par son républicanisme (elle refuse le despotisme, tout en rejetant l’assassinat du roi), mais surtout par son universalité (liberté et égalité pour tout être).

 

5.    « Elle voulut être homme d’État et il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe ». Au regard de cette citation, affirmée par un journaliste après l’exécution d’Olympe de Gouges, quelle est la place de cette dernière dans la Révolution ?

Bien que Révolutionnaire convaincue (elle est proche des Girondins), Olympe de Gouges fait preuve d’une grande indépendance d’esprit. Elle ne se contente pas de dénoncer la précarité des femmes vis-à-vis des hommes, mais aussi leur oubli dans les projets révolutionnaires. Si les premiers temps révolutionnaires ont vu la participation féminine à la vie politique s’accroître, cette dynamique est stoppée nette en 1795 par une exclusion définitive des affaires politiques. Olympe voit ainsi sa proposition de seconder Malesherbes, qui était en charge de la défense du Roi lors de son procès, lui être refusée. Enfin, si la Déclaration vient compléter l’originale, ce n’est pas cet écrit qui la conduira à la guillotine. Il s’agit plutôt d’un manifeste intitulé Les trois urnes (1793), dans lequel elle rapporte les horreurs de la Terreur et s’attaque à Robespierre et Marat. Ses divergences de vues lui coûteront la vie.

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6.    Après la lecture de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, selon vous, de quelles ressources dispose la littérature pour mener un combat contre les inégalités ?

Le combat en littérature s’apparente d’abord à la dénonciation, en nommant des responsables, en pointant du doigt les injustices, puis en exposant les rouages de l’asservissement et de l’exclusion. Ensuite, la littérature justifie ce combat par l’idéal qui le sous-tend, ici, l’égalité des sexes. Elle favorise, par l’argumentation indirecte, l’identification aux victimes ; elle permet d’exposer le profit de l’affranchissement des citoyennes pour la communauté. Enfin, elle cristallise la lutte dans la parole : en apostrophant vivement, en se basant sur une emphase belliqueuse, en envisageant l’après-combat.

 

7.    La littérature a-t-elle le pouvoir de transformer nos regards ?

Il s’agit de montrer que, bien que tous ne possèdent pas une dimension universelle, les écrits littéraires ont le pouvoir de densifier l’existence, de rendre plus vivant et de bousculer nos représentations. Chaque livre contient en soi un message et invite à une prise de conscience. En optant pour une vision critique de la société, les écrivains, qui sont réellement enracinés dans leur époque, favorisent un recul nécessaire à l’indépendance d’esprit. Chez Olympe (qui s’est formée en autodidacte grâce aux livres), cela se perçoit dans son rejet d’un remariage afin de se consacrer à la littérature et de préserver sa liberté d’écriture. Finalement, la littérature précède et inspire l’action.

 

8.    Comment Olympe de Gouges s’émancipe-t-elle de sa condition féminine ?

Il convient de bien connaître la vie de l’auteur pour répondre à cette question. Olympe est originaire de Montauban et comme pour beaucoup de compatriotes d’alors, l’occitan est la langue habituelle, au détriment du français. Qu’à cela ne tienne, elle décide de l’apprendre et prend goût à s’instruire en autodidacte ! Mariée très jeune à un homme de trente ans son aîné, elle s’enfuit pour Paris dès que ce dernier meurt, avec son fils. Elle mène alors une vie de courtisane, de femme galante, ce qui était encore associé à de la prostitution de luxe. Jugeant son éducation insuffisante, elle multiplie les rencontres avec les artistes, politiques, philosophes, et prend part à de nombreux Salons (Cercle social, où ses prétentions intellectuelles font parfois esclandre. Elle s’arroge ensuite le droit de pénétrer dans deux univers exclusivement masculins que sont la politique et la littérature, au point qu’elle sera la première femme à passer sous la guillotine en raison de ses publications politiques. Finalement, Olympe de Gouges fait en sorte de se libérer elle-même de tout carcan, avant de pouvoir aider les autres femmes à changer leurs conceptions et se défaire des clichés qui les emprisonnent.

 

9.    À la lueur de vos cours et de vos lectures personnelles, décrivez la postérité d’Olympe de Gouges, quel héritage laisse-t-elle au monde ?

Il s’agit de montrer la grande modernité d’Olympe de Gouges, comme précurseur en termes de féminisme. Si ses écrits demeurent dans l’ombre un certain temps (près de 200 ans), ils sont remis au goût du jour après la Seconde Guerre mondiale, particulièrement en Allemagne et aux États-Unis. En France, ses ouvrages sont republiés pour la première fois en 1986, par Benoîte Groult. Mais son sacre définitif a lieu pour le bicentenaire de la Révolution, lorsqu’elle est proposée pour entrer au Panthéon.

 

10. « Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? », dans quelle mesure cette citation tirée du Postambule est-elle caractéristique de l’oeuvre d’Olympe de Gouges ?

Il convient de montrer qu’Olympe cherche avant tout à faire changer les femmes elles-mêmes, en se faisant leur porte-voix (la Déclaration était adressée à la reine Marie-Antoinette) et afin de créer une réelle communauté de combattante, une sororité. Elle commence donc par les apostropher avec audace et par dépeindre avec sévérité le caractère manipulateur, rusé et dangereux des femmes de son époque.

[1] Michelle Perrot, Des femmes rebelles, Elyzad, 2014, 224p.

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