Sujet 1 - « Tu m’as donné ta boue et j’en fait de l’or ». Dans quelle mesure ce vers de Baudelaire tiré de l’épilogue des Fleurs du Mal est-il caractéristique de cette oeuvre ?
Ici, il s’agit de comprendre en quoi l’oeuvre de Baudelaire est centrée sur des sujets de caractère essentiellement social, qui, une fois passés sous la plume de l’auteur deviennent des poèmes d’une grande richesse. Ici, Baudelaire base son recueil sur l’air de son temps en évoquant des thèmes pourtant « boueux » qui marqueront à jamais les siècles à venir. Baudelaire est un poète mettant en avant le thème de la boue qui représente le Paris du XIXe siècle. Le Second Empire est ici dépeint par une prose évoquant souvent une salubrité moyenne, avec une ville physiquement et moralement « sale » ; comme nous pouvons le voir à travers des poèmes tels que « Le Vin des chiffonniers » ou encore « Crépuscules ». Mais l’une des principales missions de Baudelaire est celle-ci : transformer cet aspect sombre de Paris en de l’or. Il s’agit ici de révéler le beau dans le laid, à l’image du poème « Une Charogne ».
Sujet 2 - En quoi l’oeuvre de Baudelaire est-elle un reflet de la violence du Paris du XIXe siècle ?
Ici, il s’agit de mettre en avant les divers poèmes permettant de faire dans un premier temps l’éloge, mais aussi la critique de la ville de Paris, qui abrite au sein des poèmes des prostituées ou encore des assassins dans un environnement peu luxueux.
Sujet 3 - Quels sont les principaux thèmes exploités par Baudelaire à travers son oeuvre Les Fleurs du Mal ?
Il s’agit ici d’un sujet thématique visant à faire ressortir les divers sujets utilisés par l’auteur. Parmi eux : le voyage, l’amour, Paris, la prostitution ou encore la mort. Un contraste entre des thèmes lumineux et sombres peut être mis en avant.
Sujet 4 - Le rêve d’un ailleurs : dans quelle mesure l’oeuvre Les Fleurs du Mal peut être caractérisée d’une quête d’un autre monde ?
À travers ce sujet, il s’agit de mettre en avant le thème du voyage dans l’oeuvre. En effet, divers poèmes de Baudelaire mettent en avant un aspect exotique du temps, laissant place à la rêverie de l’auteur.
Sujet 5 - En quoi le recueil des Fleurs du Mal retranscrit-il une dualité du thème de l’amour qu’éprouve Baudelaire ?
Pour ce sujet, il s’agit de tenter de percevoir la dualité qui existe chez Baudelaire au sujet de l’amour. En effet, l’amour est un thème qui revient assez fréquemment dans l’oeuvre, celui-ci passant par diverses figurines évocatrices. Si certains poèmes mettent en avant une femme synonyme de muse et de source de beauté ; d’autres au contraire tentent à montrer une femme dominatrice apparentée à la souffrance. Ici, nous pouvons percevoir alors une dualité de l’amour vacillant entre un côté joyeux et positif de celui-ci, et un autre côté davantage sombre, provoquant cette fois-ci une répulsion chez l’auteur.
Sujet 6 - Dans quelle mesure le spleen est-il caractéristique de cette oeuvre ?
Nous pouvons remarquer que le spleen est un concept qui traverse l’intégralité de l’oeuvre de Baudelaire. L’auteur y consacre même une section complète appelée « Spleen et Idéal ». Ici, le spleen renvoie à un état de mélancolie, d’ennui ou encore d’angoisse qui est très caractéristique de l’oeuvre baudelairienne. Il s’agit donc pour répondre à ce sujet de faire ressortir les différents poèmes mettant en avant ce procédé, et de comprendre comment celui-ci est mis à l’oeuvre.
Sujet 7 - Par quels procédés littéraires et stylistiques peut-on percevoir la mélancolie de l’auteur à travers l’oeuvre ?
Ici, il s’agit d’une analyse aussi bien stylistique que thématique de l’oeuvre. Premièrement, il s’agit de faire ressortir les divers thèmes pouvant s’apparenter à de la mélancolie : ici, nous avons bien sûr les références au spleen, à la mort, ou encore à la maladie qui peuvent être évoquées. Mais il s’agit aussi de s’appliquer à déceler les procédés stylistiques de l’auteur pour contribuer à dégager cette aura des textes. L’angoisse est un thème très récurrent dans cette oeuvre.
Sujet 8 - L’art à travers Les Fleurs du Mal
Pour traiter ce sujet, il convient de mettre en avant l’aspect artistique présent dans l’oeuvre. En effet, l’art pictural ou musical est très présent dans cette oeuvre qui ne reflète que l’intérêt accru de l’auteur pour des références telles que Delacroix ou encore Manet.
Sujet 9 - Baudelaire fait partie du cercle des « poètes maudits ». En quoi cette oeuvre nous aide à le comprendre ?
Au côté de Rimbaud ou encore de Mallarmé, Baudelaire est considéré comme un poète maudit. Sur quoi cette terminologie se fonde-t-elle ? Pour le comprendre, il est important d’évoquer et de mettre en avant le procès de l’auteur qui tend à le rejeter des marges de la société. Utilisant des thèmes peu appropriés à la littérature de ses contemporains, Baudelaire est alors condamné par la société qui juge ses écrits peu moraux, mettant en avant des thèmes tirés majoritairement du mal.
Sujet 10 - Baudelaire ou le père de la modernité poétique
Ici, il s’agit de comprendre en quoi Baudelaire est aujourd’hui considéré comme le père de la modernité poétique. Pour le comprendre, il faut saisir le fait qu’à travers cette oeuvre, l’auteur met en avant des thèmes allant à l’encontre de ce qui est admis d’évoquer dans une oeuvre. Ici, nous percevons dans les divers thèmes évoqués que le poète tente de faire surgir les bas-fonds de la société parisienne en évoquant des sujets peu flatteurs. Ainsi, Baudelaire rompt les principes classiques pour venir mettre en avant une modernité littéraire qui le conduira en procès le 20 août 1857 pour cause d’outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs. Pour ce sujet, il convient donc de mettre en avant tous les aspects controversés de Paris et de sa société mis en oeuvre et dénoncé à travers les différents poèmes.
Corrigé
Introduction
Étymologiquement, le poète est un créateur. Aussi sculpte-t-il toutes sortes de matériaux, des plus nobles aux plus bas, pour les transformer par sa technique et son art. Dans Les Fleurs du mal, Baudelaire plonge ainsi dans « la boue » du monde et de l’âme, comme l’indique la répétition de ce substantif tout au long du recueil. Mais le poète est-il condamné à tremper sa plume dans cette fange pour parvenir à créer ? Cette question interroge les fonctions et les pouvoirs de la poésie. Certes, comme nous commencerons par le noter, le poète peut célébrer les charmes de l’existence. Reste que nous constaterons ensuite qu’il est rarement insensible aux troubles qui l’entourent ou l’habitent. Paradoxalement, c’est ce détour par la noirceur qui peut éclairer le lecteur.
Les charmes de la vie
Les plaisirs de l’amour
Si Ronsard évoque la mort, c’est aussi pour chanter la vie. Son memento mori appelle souvent un carpe diem. Il écrit notamment dans ses Sonnets pour Hélène : Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle !
[…] Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.
Même dans le sombre bouquet des Fleurs du mal, on trouve de tels élans dès lors qu’il s’agit de peindre les charmes d’une femme. Certes, « Remords posthumes » est une réécriture bien sombre des poèmes de Ronsard. Mais « La chevelure » traduit une ivresse communicative. La femme aimée devient même une porte ouverte menant à la beauté et à l’infini : Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.
De même, Paul Éluard a souvent écrit sur l’amour et ses pouvoirs. Dans « Celle de toujours, toute », il proclame par exemple : « Je chante pour chanter, je t’aime pour chanter / Le mystère où l’amour me crée et se délivre. » L’amour, loin d’asservir, est ici source de liberté.
La beauté du monde
Le poète est aussi celui qui nous invite à contempler le monde pour en découvrir les innombrables richesses. Il arrive que, dans Les Fleurs du mal, le tableau proposé par Baudelaire dégage une impression d’harmonie. L’heure n’est alors plus à l’affrontement mais au plaisir des sens. Dans « Harmonie du soir », « les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ». Dans « L’Invitation au voyage », Baudelaire nous offre une évasion grisante vers un « pays » où « tout n’est qu’ordre et beauté, / luxe, calme et volupté ».
De même, c’est en s’abaissant parfois vers les choses les plus simples que le poète parvient à nous élever. Dans ses Odes, Ronsard chante les plaisirs de la vie : Achète des abricots,
Des pompons, des artichauts,
Des fraises, et de la crème :
C’est en été ce que j’aime,
Quand sur le bord d’un ruisseau
Je les mange au bruit de l’eau,
Étendu sur le rivage,
Ou dans un antre sauvage.
À nouveau, l’heure est au carpe diem et la poésie parvient à nous réconcilier avec le monde qui nous entoure. En somme, la poésie célèbre parfois les charmes de l’existence. Est-ce à dire qu’elle délaisse les souffrances ? Rien n’est moins sûr, tant elle se fait souvent l’écho des troubles du monde.
Les troubles du monde
Échos
Même s’il n’est pas question pour lui d’assujettir la poésie à des fins morales ou politiques, Baudelaire n’écrit pas retiré dans une tour d’ivoire. Dans « Le Joujou du pauvre », l’un de ses Petits Poèmes en prose, il représente ainsi les « barreaux symboliques » qui séparent un enfant « beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie » et un enfant « sale, chétif, fuligineux ». Le poème s’achève sur le spectacle de cet enfant pauvre qui possède pour seul jouet un rat vivant enfermé dans « une boîte grillée ».
Victor Hugo est allé beaucoup plus loin que Baudelaire sur ce chemin, n’hésitant pas à utiliser la poésie pour dénoncer ouvertement des injustices. Dans « Melancholia », poème extrait des Contemplations, il se dresse face au terrible spectacle des enfants qui doivent travailler : Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Le poème devient alors un refuge accueillant et il se fait l’écho de différentes souffrances. C’est ce que nous rappelle Claude Roy dans « Jamais je ne pourrai » : Le poète n’est pas celui qui dit Je n’y suis pour personne
Le poète dit J’y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d’entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe.
Comme le souligne le titre d’un recueil publié pendant la Seconde Guerre mondiale, il en va même parfois de L’Honneur des poètes de s’engager ainsi.
« Dans la nuit noire de l’âme »
Le poète peut également nous entraîner « dans la nuit noire de l’âme », pour reprendre les mots de Francis Scott Fitzgerald. Baudelaire consacre ainsi plusieurs poèmes au « Spleen » qui devient sous la plume l’occasion de visions particulièrement oppressantes, comme lorsqu’« il nous verse un jour noir plus triste que les nuits / […] Où l’Espérance, comme une chauve-souris, / S’en va battant les murs de son aile timide / Et se cognant la tête à des plafonds pourris ». L’ennemi qui ronge le cœur de l’homme est alors bien tapi au fond de lui. Cette plongée dans cette boue de l’âme qu’est la souffrance se révèle particulièrement éprouvante, mais elle est aussi nécessaire.
Pour Michel Houellebecq, qui est romancier mais aussi poète, elle est même l’essence de la poésie. Il affirme en effet, dans un texte extrait de Rester vivant : « La première démarche poétique consiste à remonter à l’origine. À savoir : la souffrance ».
Ce trajet rejoint en partie celui que préconise Arthur Rimbaud dans sa célèbre lettre à Paul Demeny : « La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. […] Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse : à l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage. »
La poésie peut donc nous confronter à la souffrance, à l’injustice ou à la laideur. Pour autant, on trouve aussi, bien cachées sous cette boue, de surprenantes formes de beauté.
De la boue à l’or
Clair-obscur
Il faut parfois de l’ombre pour mettre en valeur la lumière. Bien des poètes brillent dans cet art du clair-obscur. Dans une lettre adressée à Baudelaire, Victor Hugo loue ainsi les mérites du recueil condamné par la justice du Second Empire. Loin de s’attarder sur l’obscurité qui semble régner dans ces pages, Hugo affirme que ces « Fleurs du mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles ». Le poème se nourrit en effet de nombreuses dissonances, comme le suggère du reste le titre de la partie « Spleen et idéal ».
La chute s’oppose par exemple à l’élévation et le fini à l’infini. Si la fin de « L’Irréparable » traduit une forme de manque, ces vers reposent également sur une série de contrastes et de tensions qui ne sont pas étrangers à leur beauté et à leur singularité. C’est notamment le cas lorsque Baudelaire écrit : J’ai vu parfois, au fond d’un théâtre banal
Qu’enflammait l’orchestre sonore,
Une fée allumer dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore ;
J’ai vu parfois au fond d’un théâtre banal
Un être, qui n’était que lumière, or et gaze,
Terrasser l’énorme Satan.
Il manie aussi volontiers les figures d’opposition, comme l’oxymore ou l’antithèse. C’est ce qu’illustre notamment la dernière strophe du « Flacon » : Je serai ton cercueil, aimable pestilence !
Le témoin de ta force et de ta virulence,
Cher poison préparé par les anges ! Liqueur
Qui me ronge, ô la vie et la mort de mon cœur !
C’est donc bien tout près de la boue que le lecteur a le plus de chance de trouver des traces d’or.
Transfigurer
La poésie permet même de transfigurer certains sujets qui pourraient, a priori, manquer de noblesse. Le travail formel sur les sonorités, les rythmes et les images vient métamorphoser la matière que travaille le poète. La « charogne infâme » décrite par Baudelaire a par exemple tout pour effrayer comme l’indiquent la « pourriture », la « puanteur si forte », les « larves » et les « mouches ». La scène, sans rien perdre de sa noirceur, devient pourtant la source d’un spectacle qui mêle la musique et la peinture : Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.
Francis Ponge s’est lui aussi penché sur des objets très prosaïques. Dans Le Parti pris des choses, il s’attarde sur « le cageot », « la bougie » ou encore « le pain ». Il choisit ici le poème en prose mais il parvient à donner une valeur poétique à ces choses qui sont transfigurées sans jamais être dénaturées. « L’Huître » renferme ainsi « tout un monde ».
De même, c’est parfois près de la violence qu’on trouve des motifs d’espoir. Dans un poème intitulé « La Victoire de Guernica », Paul Éluard dénonce la cruauté des responsables de ce bombardement mais il célèbre aussi l’espoir : Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l’espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l’avenir.
Conclusion
Le poète n’est donc pas condamné à affronter des sujets repoussants ou effrayants. Pour autant, le détour par la noirceur peut se révéler précieux et salutaire. Non seulement il éclaire le lecteur, mais il permet au poète de se faire alchimiste. Le vers et la prose peuvent transformer le plus banal ou le plus vil des sujets en un objet précieux qui traversera les siècles.
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