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Et pourtant elles jouent

EPEJ : Comment as-tu découvert le JdR ?

Adrienne : Comme indiqué sur le blog Mémoires de rôlistes j’ai découvert le JdR grâce aux jeux vidéos Baldur’s Gate et Baldur’s Gate II, d’abord en lisant les solutions dans le magazine PC Soluces puis en surfant (avec mon modem 56k) sur les forums consacrés aux jeux. Grande lectrice et amatrice de contes, légendes, livres en général et passionnée d’histoire, le JDR m’a permis de découvrir un grand nombre de références culturelles et historiques, par frottement avec la “culture rôliste” (Tolkien, Le Guin…) ou pour approfondir mes connaissances afin d’interpréter un personnage (notamment en ce qui concerne les personnages du “Livre des Cinq Anneaux” où mon intérêt pour les cultures et littératures asiatiques a grandi en même temps que ma connaissance de l’univers de L5A et d’autres jeux inspirés par l’Asie). J’avais également des dispositions car j’ai toujours aimé raconter des histoires et j’utilisais déja ma collection de Playmobil pour vivre et raconter des aventures romanesques et extraordinaires. Je voudrais saluer également l’influence du site “L’archiviste Warhammer” dont les articles sur les “Royaumes Oubliés” m’ont permis de mieux comprendre l’histoire et la géographie des lieux des romans que je lisais (car les romans TSR, bien que souvent mal écrits, sont un de mes plaisirs de lecture). La lecture du “Gouffre Maudit” de Loup Solitaire à été aussi une révélation vers 10 ans, soit 2 ou 3 ans avant que je commence à jouer, et même si dans mon esprit le Seigneur Kaï que nous incarnons est une Dame/Maîtresse Kai.

Ma famille jouait assez peu aux jeux de société, et j’ai grandi quasiment comme une enfant unique à cause de la différence d’âge importante avec mes frères donc mes souvenirs de parties de jeux de société sont rares et surtout dus à mes cousins et cousines ou amis et amies . Je pense toutefois que ces souvenirs agréables ont préparé le terrain pour ma pratique des jeux de toutes sortes (plateau, cartes, rôles, jeux d’adresse…).

 

EPEJ : Tu évoques le plaisir de lecture que provoquent les romans de TSR chez toi tout en reconnaissant leur médiocrité littéraire. Qu’est-ce qui fait que tu les apprécies malgré tout ?

A : Je pense que c’était en partie un succédané au jeu de rôle qui me permettait d’arpenter en lisant l’univers des Royaumes Oubliés quand je ne connaissais pas le jeu de rôle ou ne pouvait pas jouer faute de groupe ou d’envies des personnes avec qui jouer. Cependant certaines séries sont intéressantes à suivre et agréables à lire dans les conventions du genre (séries d’Elaine Cunningham, “Les Frères de la Nuit” de Scott Ciencin…) de même que certains romans. Relire un des ces romans me replonge également dans l’état d’esprit de mon adolescence, dans une certaine mesure, ce qui est en général agréable.

 

EPEJ : L5A propose un cadre social très contraignant et est un décor de jeu très codifié. La vérité y importe peu, les PJ sont écrasés par la hiérarchie, les us et coutumes nous prennent souvent à rebrousse-poil… Qu’est-ce qui fait, selon toi, que nous sommes tout de même fascinés par Rokugan, qui est tout sauf un univers de jeu reposant ?

A : C’est une bonne question car effectivement les personnages sont contraints par les us et coutumes, la hiérarchie, la politique des clans. Cependant, je pense que l’attachement à L5A tient à l’identification aux valeurs d’un des clans qui donne aux joueurs et aux joueuses le sentiment d’appartenir à ce clan comme le font leurs personnages. On peut y voir à mon avis l’influence du jeu de cartes à collectionner qui encourage une certaine identification de fan. Les enjeux deviennent alors en partie personnels ou prennent de l’épaisseur par rapport à d’autres jeux (exception peut être d’autres jeux à clans comme ceux du Monde des Ténèbres dont la sociologie des joueurs et joueuses est sûrement semblable). Malgré les stéréotypes des clans, il est possible et même souhaitable d’imaginer pourquoi et comment des personnages s’intègrent dans leur clan et intègrent ses valeurs, ainsi que comment ils et elles concilient leur individualité avec ces règles et attentes (d’où l’intérêt aussi du fameux “Game of 20 Questions” à la création de personnage). Personnellement je me reconnais tout à fait dans le clan de la Licorne et son “étrangeté” relative par rapport à la société rokugani, dans son goût pour les voyages et les rencontres avec l’étranger (voire l’étrange en ce qui concerne les Naga), dans la personnalité des fondateurs et fondatrices des familles qui ressemble en partie à la mienne (approche diplomatique de la famille Ide et ses Techniques au noms si évocateurs comme “The Heart Speaks”, ”The Heart Listens” notamment ou expérimentations magiques des Iuchi…)

Il est possible que ces conventions sociales encouragent les joueurs et joueuses à privilégier les moyens de résolutions de conflits ou la poursuite de l’intrigue par des moyens non-violents, ce qui est plutôt soutenu par le système de règles (mortalité du combat, rareté des soins magiques…). Le recours aux armes est plutôt cantonné aux contextes du duel ou de la bataille rangée, ce qui est encore une fois en phase avec le genre.

 

EPEJ : Si tu n’avais pas rencontré le JdR dans ta vie, quel autre loisir aurait pris sa place dans ta vie ?

A : Je suis quelqu’un de timide et je l’étais encore plus enfant et adolescente, où c’était maladif (agoraphobie, crises de panique lors des prises de parole en public…). Mes loisirs étaient et sont encore essentiellement des loisirs de “nerd” comme la lecture et le cinéma, mais je ne crois pas que j’aurai pu trouver un autre loisir qui me convienne aussi bien que le JDR.

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EPEJ : As-tu le sentiment que le JdR t’ait aidé à accepter ces peurs ou bien au contraire que c’était un exutoire pour y échapper ?

A : Oui ce fut largement le cas, d’ailleurs c’était très gratifiant de voir que ce que j’écrivais était lu et apprécié par les autres joueurs et joueuses ou même ceux et celles qui ne jouaient pas directement avec moi sur des forums. J’ai vraiment pu “exister” socialement et particulièrement en tant que fille comme je ne le pouvais pas à l’époque dans la “vie réelle” en dehors de mon ordinateur. Toutefois j’ai toujours été plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral et c’était sans conteste un exutoire également, surtout à l’époque où j’ai connu un harcèlement quotidien à l’époque du collège.

 

EPEJ : Existe-il d’autres joueuses dans ton entourage ludique ?

A : Actuellement j’en ai rencontré deux et grâce au forum Casus NO, j’en connais quelques autres en ligne mais en personne je n’ai rencontré que très peu de joueuses. Lorsque j’ai commencé à jouer et surtout à maîtriser, la vendeuse de la boutique que je fréquentais a été une influence très positive et une amie pour moi dans un milieu où les femmes et les jeunes filles étaient peu présentes à l’époque (environ en 2000-2006). Par la suite, j’ai rencontré peu de joueuses, mis à part en ligne où leur fréquentation m’a aussi permis d’expérimenter avec mon identité féminine pendant l’adolescence. Voyant que je jouais un personnage féminin, certaines me confiaient des détails de leur quotidien de femme/jeune fille qu’elles n’auraient peut être pas confiés à des joueurs masculins qu’elles ne connaissaient pas vraiment bien (anecdotes de parents, angoisses sentimentales, problèmes de santé…)

 

EPEJ : Quand tu parles d’expérimentation avec ton identité féminine, est-ce à dire qu’entre autre, tu jouais des personnages féminins pour tester ta “légitimité” sexuelle ?

A : Je ne pense pas que cette légitimité était uniquement, ou même principalement sexuelle même si j’étais curieuse à ce sujet comme l’immense majorité des adolescent.es. Frustrée d’avoir été exclue de facto par les filles et par leurs parents des jeux entre filles, anniversaires et autres activités genrées vers l’âge de 10 ans brutalement, j’ai toujours souhaité retrouver une intimité (généralement non sexuelle) avec des filles ou des femmes d’où il me semblait avoir été arrachée brutalement et sans raison autre que les convenances ou l’hypothèse d’agressions sexuelles qui existaient seulement dans l’esprit de parents inquiets et rétrogrades. Le personnage d’Hadrien dans “Les Mémoires d’Hadrien” évoque d’ailleurs un sentiment similaire dans le magnifique livre de Marguerite Yourcenar. Cela dit, j’ai interprété des personnages homosexuels et hétérosexuels pendant plus ou moins longtemps et parfois en couple, d’une certaine façon c’était aussi un “terrain de jeu” pour explorer ces questions, d’autant plus que l’homosexualité et la sexualité en général étaient assez taboues dans ma famille.

 

EPEJ : Quels jeux maîtrises-tu en ce moment ?

A : Rêve de Dragon, ce jeu superbe et si évocateur malgré sa lourdeur éventuelle si on s’attache à utiliser toutes les règles. Je viens de recommencer suite à une demande de formation de groupe en ligne il y a quelques semaines et, malgré le trac, c’est très enrichissant et j’ai réellement l’impression de participer à une activité créative et créatrice, ce qui est fondamental pour moi. Je compte bien maîtriser d’autres jeux maintenant que j’ai le sentiment d’avoir retrouvé confiance en moi après des années d’angoisse liée au trac et à quelques mauvaises expériences de jeu.

 

EPEJ : La création semble importante à tes yeux. Qu’est-ce qui fait que tu t’éclates avec RdD qui propose des règles très cadrées et des scénarios très scriptés (avec une solution possible et pas toujours logique si on n’est pas Denis Gerfaud) ? N’es-tu pas attirée par des jeux à narration partagée où tu pourrais plus facilement exercer ton imagination en influant sur le contexte autant que l’intrigue ?

A : C’est principalement l’univers qui me plaît dans RDD plutôt que les règles. Je suis tout à fait attirée par les jeux à narration partagée comme l’excellent Night Witches ou des jeux comme Oltréé ! mais je n’ai pas encore eu l’occasion d’y jouer, tout au plus de les lire.

 

EPEJ : Joues-tu avec un groupe régulier ?

A : En dehors de ma partie de Rêve de Dragon et d’une série de parties estivales qui m’ont réconciliées avec le jeu “en personne” (merci aux membres du “Dé à π faces”) je n’ai pas de groupe régulier actuellement. J’aimerai en former un et j’aurai peut être l’occasion prochainement.

 

EPEJ : Y’a-t-il un réseau rôlistique au Luxembourg ou bien faut-il sortir du Grand Duché pour jouer ?

A : Grâce à Casus NO j’ai connu quelques rôlistes à Luxembourg. Il y avait bien quelques groupes qui jouaient à Warhammer il y a quelques années mais ils ne recrutaient pas, autant que je sache, et la communauté qui utilisait notre boutique de jeu de rôle locale connaissait tout au plus la petite annonce sur le coin du tableau. J’espère que les choses changeront et que notre petite communauté rolistique pourra éclore et se développer. Les différences de maîtrise des différentes langues du pays et les préférences linguistiques, qui pour le français, qui pour l’allemand, l’anglais ou le luxembourgeois influencent aussi les disponibilités des joueurs et joueuses. Il existe cependant probablement des joueurs et joueuses qui utilisent Internet pour former des tables internationales et plus encore qui découvrent et pratiquent le JDR en dehors des frontières du Grand Duché lors de leurs études universitaires en France, Allemagne, Belgique ou au Royaume-Uni notamment. Jusqu’a récemment, l’expatriation était quasiment un passage obligé pour poursuivre des études après le lycée à Luxembourg.

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EPEJ : Parles-tu de JdR sur ton lieu de travail ou avec tes collègues ?

A : Comme je travaille dans le milieu de l’éducation, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de parler des bienfaits du jeu et du jeu de rôle dans l’éducation et le développemment des enfants et adolescent.es ainsi que des adultes. Je crois profondément au JDR en tant qu’ouverture culturelle et amplificateur d’empathie pour les autres, de même qu’en ses capacités transformatives dont j’ai une expérience personnelle. Cependant, jusqu’à maintenant, mes collégues étudiant.es ou professionelles n’ont pas été tentées de faire un essai.

 

EPEJ : Comment le JDR t’a conduit à t’intéresser à la pédagogie ?

A : Je pense avoir toujours eu une certaine disposition à aider les autres en classe, à m’intéresser aux cours et j’étais bonne élève dans les matières où il n’y avait pas de mathématiques. Cependant, découvrir le jeu de rôle et vouloir expliquer les règles de jeux comme AD&D2 ou Shadowrun a donné une nouvelle dimension à cette disposition tout en me réconciliant d’une certaine façon avec les mathématiques dans une certaine mesure (probabilités, pourcentages, calculs de la CA et du THAC0). En ce qui concerne l’interprétation des personnages, j’ai plaisir à incarner des personnages qui enseignent aux autres et surtout ceux et celles qui développent une relation de tutorat (possibilité de former des apprenti.es pour les magicien.nes dans AD&D2 , rôle particulier du sorcier et de la sorcière  dans Al-Qadim qui doivent en théorie partager leur savoir avec des apprenti.es…). J’aime également constituer le grimoire des personnages au gré des rencontres et des événements de jeu. Les moments de jeu où j’ai pu mettre en place et interpréter cette relation de tutorat font partie de mes meilleurs souvenirs de jeu, et je suis sûre que l’expérience (c’est le cas de le dire ;)) acquise m’a incitée à vouloir faire de même en dehors de ces mondes fantastiques et ainsi à choisir cette orientation professionnelle.

 

EPEJ : Conseillerais-tu la pratique du JdR à un adolescent qui se pose des questions sur son identité de genre ?

A : Oui absolument. À mon sens, c’est la meilleure façon d’expérimenter avec son identité mouvante et multiple, d’autant plus qu’on est une personne transgenre. Dans de bonnes conditions et avec un groupe ouvert et empathique, ça me semble un lieu d’expression et d’imagination idéal ou la violence verbale, physique et psychologique est, sinon absente, bien moins présente. Je pense toutefois que, suivant l’expérience de vie de chacun.e, d’autres formes d’expérimentations avec l’identité de genre comme le port de vêtements associés à l’un ou l’autre genre ou la participation “transgressive”(et souvent libératrice) à des activités connotées par genre (bien qu’idéalement aucune ne devrait l’être) font nécessairement partie de ce questionnement singulier.

 

EPEJ : Es-tu créatrice de JdR en plus d’être consommatrice ?

A : Non mais j’aimerais l’être, si toutefois mes idées sont suffisamment bonnes, et j’essaierai sûrement d’écrire un scénario pour l’excellent “Te Deum pour un massacre” prochainement.

 

EPEJ : Est-ce que tu te retrouves dans la production actuelle, du point de vue du genre, aussi bien dans les illustrations que dans les textes ?

A : Je suis sensible à l’inclusion de personnages féminins qui se démarquent des stéréotypes, et à celle de personnages transgenres. Aux illustrations également, même si je ne me souviens pas avoir vu d’illustrations vraiment outrancières de ce côté là (demoiselle en détresse, chainmail bikini ou autres…). J’ai l’impression que, conformément à ce qui passe dans les sociétés “occidentales” dont sont issus l’essentiel des joueurs et joueuses, les auteurs et autrices de jeux se posent de plus en plus la question de l’inclusivité de leur production et de sa réception (ainsi la fameuse mention de l’identité de genre dans D&D5 est bienvenue et s’est longtemps fait attendre, mais elle est là !). Ce questionnement n’aurait probablement pas eu autant de retentissement sans certaines productions indépendantes ou les travaux d’Avery Alder et Jason Morningstar entre autres et leur volonté de questionner le statu quo comme la littérature ou la théologie féministe l’ont fait en leur temps et le font encore actuellement.

 

EPEJ : Quel est ton JdR préféré ?

A : C’est une question très difficile, notamment car les JDR que j’ai pratiqués longuement (AD&D2, Shadowrun 3, L5R 1e, Hunter: The Reckoning…) sont indissociables de tant de souvenirs de mon enfance et adolescence. Je citerai cependant l’excellent “Al-Qadim” éternellement lié pour moi à mon amitié en ligne avec un jeune pakistanais pendant la Seconde guerre d’Irak, “Te Deum” le superbe fruit du travail de Jean-Philippe Jaworski, Hunter: The Reckoning pour son mélange de vie quotidienne et d’exaltation religieuse ou mystique et Mummy: The Resurrection ainsi que Changeling: The Dreaming pour leur vision plus optimiste du World of Darkness et leur côté magique ou féérique. Je rajouterai également “Northern Crown” et sa réinterprétation fantastique de l’histoire américaine, à la fois réelle et mythique. “Werewolf : The Forsaken” est également un des jeux qui m’a le plus marqué à la lecture et un des rares dont je possède l’intégrale de la gamme ; Ses thématiques autour des esprits , de la parenté et de l’écologie me touchent profondément.

 

EPEJ : Al-Qadim et ton amitié en ligne avec un jeune pakistanais pendant la Seconde guerre d’Irak ? Kamoulox ?

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A : J’ai rencontré un jeune Pakistanais un peu plus âgé que moi sur un forum consacré à AD&D2 et nous avons sympathisé notamment autour d’une partie d’Al-Qadim à deux comme j’étais l’une des rares personnes à vouloir jouer dans un univers orientalisant. C’était peu avant le début de la Seconde Guerre d’Irak, et sa proximité avec le conflit (coupures de courant, accessibilité…) m’a fait prendre conscience du conflit d’une manière inattendue et unique,plus marquante encore que l’actualité que je suivais régulièrement.. Juste pour rire, j’ai le souvenir par exemple de certains forumistes nous envoyant des messages insultants du type “Terroristes ! Vous jouez à “Al-Qaeda” ! J’appelle le FBI !” à l’époque troublée des “Freedom Fries” et de l’”Axe du mal”.

D’ailleurs à ce sujet, je suis convaincue que c’est l’étude approfondie des questions religieuses, panthéons et autres dans les jeux de rôles qui a déterminé mon orientation universitaire en sciences religieuses, même si d’autres facteurs (éducation familiale, expériences religieuses…) ont joué un rôle également.

 

EPEJ : Qu’est-ce qui te fera arrêter de jouer au JdR, le moment venu ?

A : Je crois sincèrement que je n’arrêterai pas de jouer au JDR, à moins d’en être complètement empêchée par la maladie. J’espère en tout cas y jouer le plus longtemps possible.

 

EPEJ : En plus du JdR, pratiques-tu des activités connexes comme le GN ?

A : Je n’ai jamais pratiqué le GN mais j’ai pratiqué ou pratique encore les différentes activités connexes du hobby (peinture de figurine, jeux de cartes à collectionner, jeux de plateau… ). Je crois que la “culture rôliste” faite de différentes influences est une réalité et j’aime m’y intéresser, même si je ne peux connaitre tout ce qui la constitue. Les quelques expériences théâtrales que j’ai faites pendant mes études secondaires puis à l’université m’ont également permis de mieux vivre cette timidité ,l’expression corporelle et tout ce que le théâtre implique. Je pense que c’était en partie dû à mon expérience du JDR également qui facilitait le fait de se projeter et d’incarner un personnage. J’ai eu l’occasion de jouer certains rôles shakespeariens (dans des productions amateurs et scolaires bien sûr !) qui m’ont marqués comme Prospero et Malvolio ,mais je regrette de ne pas avoir eu l’occasion d’interpréter des pièces shakespeariennes mettant en avant l’aspect queer- et trans-friendly des pièces du Barde de Stratford comme “Comme il vous plaira” ou “Le Marchand de Venise” à travers des personnages comme Viola (“Je suis toutes les filles de la maison de mon père”) ,Portia,Antonio ou Bassanio. . Peut être en aurais-je l’occasion ?

 

EPEJ : As-tu été confrontée à des comportements sexistes dans le monde du jeu ?

A :  Je n’ai pas beaucoup d’anecdotes mais je me souviens de ma 1e convention alors que j’avais 17 ans. Je m’inscris à une partie de L5A et choisis un prétiré féminin (qui était aussi dans le cliché « Je suis une fille donc je soigne » mais les autres m’interessaient encore moins) pour un scénario classique type ‘enquête au château ». Le MJ refuse car jouer un personnage féminin quand on est « pas une fille » c’est être « un pervers ». Je suis choquée mais bon personne ne réagit alors je change de personnage pour le même au masculin. Mal m’en a pris car entre les insinuations du MJ et le scénario mal construit et presque sans discussions avec les PNJs qui sont c’est bien connu « pour les pédés » (dans un scénario d’enquête !), je n’ai pas pris plaisir à jouer du tout et j’ai fini par quitter la table après trop longtemps…Et en plus le MJ m’a reproché de n’avoir pas aimé son scénario !

J’ai aussi connu des MJ qui ne pouvaient voir les personnages féminins qu’à travers leurs fantasmes sexuels : une fois à BESM le MJ nous dit à la création « Dans mon univers, tous les personnages féminins sont des catgirls donc sexy et soumises à un maître. Elles portent toutes un uniforme de soubrette avec un collier à grelot…. » J’ai choisi un personnage masculin, mais à la fin de la création, je suis partie. C’est une des raisons pour laquelle je n’aime pas BESM en plus du système, même si jouer une catgirl dans d’autres circonstances ne serait pas un problème

Une autre fois à Star Wars, je veux jouer une Twi’lek chevaleresse Jedi dans une campagne autour de l’Académie Jedi. Je crée le personnage mais le MJ me dit « Ah mais c’est une Twi’lek donc « forcément » une « ancienne prostituée séductrice et sexy » . Là encore pas de réactions mais j’étais plus âgée donc je lui dis le fond de ma pensée et je lui montre le livre de règles (la description disait quelque chose comme « Les Twi’leks sont très sociables et adaptables, beaucoup ont une âme d’artiste ») avant de quitter le groupe sous les plaisanteries des autres membres qui en rajoutaient avec des “N’oublie pas de mettre des points dans “Profession : Prostituée”…!

La seule fois où j’ai vraiment senti un danger d’agression sexuelle c’est quand je me suis inscrite au club de JDR de la fac pour une initiation à Ars Magica. Là le président (une bonne cinquantaine d’années dans un club d’étudiant.es sans être étudiant ou professeur) et futur Conteur discute avec moi et une autre fille et 5 minutes après nous propose une création de persos seules chez lui le soir avec force regards lubriques…On s’est regardées et on s’est inscrites pour du Delta Green !

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