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Figure de style périphrase

Définition de la périphrase

La périphrase est une figure de style qui consiste à exprimer en plusieurs mots ce qu’on aurait pu dire en un seul terme. L’utilisation de cette figure permet d’éviter les répétitions. Elle permet également de mettre en avant certaines caractéristiques de l’objet ou de la personne décrite, qu’un seul mot n’aurait pu mettre à jour. La périphrase fait partie de la catégorie des figures de substitution.

Pierre Fontanier, grammairien français, présente dans Les Figures du discours la périphrase en tant que figure d’emphase : 

La périphrase consiste à exprimer d’une manière détournée, étendue, et ordinairement fastueuse, une pensée qui pourrait être rendue d’une manière directe et en même temps plus simple et plus courte.

Pierre Fontanier, Les Figures du discours

On utilise la périphrase pour obtenir différents effets dans le discours :

  • La périphrase peut avoir un effet euphémique : « vous regardez le travail comme le seul guide qui peut vous conduire à une vie heureuse » (Xénophon) pour dire que quelqu’un travaille beaucoup. « Les personnes âgées » pour désigner les vieux.
  • La périphrase peut voir un effet ironique : « Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque. » (Voltaire, Candide) Ici la « boucherie héroïque » est une périphrase pour désigner la guerre.
  • La périphrase peut être utilisée par politesse : « aller faire ses besoins » pour dire qu’on va aux toilettes.

Origine et étymologie de la périphrase

L’étymologie du mot « périphrase » est à chercher du côté du latin periphrasis, issu lui-même du grec περίφρασις, perifrasis (« circonlocution »). On la désigne souvent par le terme grammatical « circonlocution » qui désigne les « détours de langage qui, en évitant les termes précis, visent à masquer la pensée ou à adoucir ce que l’on veut dire. »

Il n’est pas rare de trouver des périphrases dans l’épopée ou les tragédies grecques, pour désigner les personnages par leur gentilé ou en les nommant d’après leurs ancêtres (« le fils de Pélée » pour désigner Achille). On notera que les épithètes homériques constituent des formes de périphrases, soit en substituant entièrement le nom de la personne décrite, ou en lui apposant un complément comme par exemple « divin » (voir la liste complète sur Wikipedia) :

  • « le fils de Laërte » pour désigner Ulysse
  • « fille du matin » pour désigner Aurore
  • « La nymphe aux cheveux bouclés » pour désigner Calypso
  • « le découvreur des détroits » pour désigner Ulysse
  • « la déesse au clair regard » pour désigner Athéna
  • « fils d’Atrée, glorieux par ta lance » pour désigner Ménélas
  • « meneur de char » pour désigner Pélée

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Cette figure de style a tout d’abord été utilisée par les poètes antiques puis par de nombreux écrivains. Jean de la Fontaine, dans ses Fables, emploie de nombreuses périphrases, dans un but stylistique et d’amplification, comme dans l’exemple suivant, pour désigner un chêne :

Celui de qui la tête au ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l’empire des Morts

Jean de la Fontaine, Le chêne et le roseau

À partir du XVIIe siècle, la condamnation de l’emploi de mots jugés vulgaires généralise le recours à la périphrase. Victor Hugo critiquait cette généralisation :

L’Art poétique pris au collet dans la rue,
Et quand j’ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton ! je suis ce Robespierre !
J’ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j’ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Oui, c’est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J’ai pris et démoli la bastille des rimes.
J’ai fait plus : j’ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l’enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J’ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L’alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ;
Et je n’ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée.

Victor Hugo, Les Contemplations

Dans un autre poème, le même Victor Hugo s’en amuse en écrivant une périphrase avant même de la démonter en dévoilant le fruit qu’elle désigne.

J’ai dit au long fruit d’or : Mais tu n’es qu’une poire !

Victor Hugo, Réponse à un acte d’accusation

Exemples de périphrases

Voici une liste de périphrases qu’on utilise fréquemment. N’hésitez pas à partager vos périphrases préférées en commentaire.

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Exemples de périphrases de lieu

  • Le pays du fromage pour parler de la France.
  • La ville éternelle pour parler de Rome.
  • La ville lumière pour parler de Paris.
  • La cité phocéenne pour parler de Marseille.
  • La capitale des gaules pour parler de Lyon.
  • La ville rose pour parler de Toulouse.
  • Le Nouveau Monde pour l’Amérique.
  • La Terre Sainte pour la Palestine.
  • La Botte pour l’Italie.
  • Le pays du cèdre pour parler du Liban.
  • Le pays du soleil levant pour le Japon.
  • La plus belle avenue du monde pour parler des Champs Élysées.
  • La perfide Albion pour parler de l’Angleterre.
  • Le toit du monde pour parler de l’Himalaya.
  • La fille aînée de l’Église pour parler de la France.
  • La Sublime Porte pour parler de l’Empire ottoman.

Exemples de périphrases concernant les personnes

  • L’empereur à la barbe fleurie pour parler de Charlemagne.
  • Le Roi-Soleil pour parler de Louis XIV.
  • L’homme du 18 juin pour parler du général de Gaulle.
  • Le Saint-Père pour parler du pape.
  • Les forces de l’ordre pour parler de la police.
  • Les soldats du feu pour parler des pompiers.
  • Le beau sexe pour parler des femmes.
  • L’auteur de la Comédie humaine pour Balzac (déclinable pour tous les écrivains célèbres).

Autres exemples de périphrases

  • Le petit écran pour parler de la télévision.
  • Le roi des animaux pour parler du lion.
  • Le septième art pour parler du cinéma.
  • Le plus vieux métier du monde pour parler de la prostitution.
  • Le miroir de l’âme pour les yeux.
  • Le plancher des vaches pour parler de la terre.
  • Ne pas avoir toute sa tête pour « être fou ».
  • L’or noir pour parler du pétrole.
  • La langue de Molière pour parler de la langue française.
  • La langue de Shakespeare pour parler de l’anglais.
  • La langue de Goethe pour parler de l’allemand.
  • Le siècle des Lumières pour parler du XVIIIe siècle.
  • Le billet vert pour parler du dollar.
  • Le feu du ciel pour parler de la foudre.
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Pour aller plus loin :

Version à imprimer                                                   
On peut lire Phèdre à Wikisource :
http://fr.wikisource.org/wiki/Ph%C3%A8dre_(Racine)#ACTE_I

Quelques bonnes analyses et interprétations faites par les étudiants de FREN 332

Mais notez bien que ce n’est pas tout ce qu’on peut dire au sujet des figures de style
et qu’il y a des figures dont ces étudiants ne parlent pas (« l’antithèse » dans numéro 3, par ex).

1.  « La fille de Minos et de Pasiphaé. »  (Hippolyte, I, i, 36 = dit par Hippolyte dans Acte I, scène i, vers 36). 

Voici deux exemples de bonnes analyses / interprétations :

Avec cette périphrase, Hippolyte évite de nommer Phèdre tout en soulignant la dualité de sa situation et de sa personnalité.  Comme la fille de Minos, de roi de l’enfer, et de Pasiphaé, la fille du Soleil, Phèdre combine en elle-même l’obscurité et la lumière, le noir et le blanc, la mort et la vie.  On pourrait dire qu’avec cette périphrase Hippolyte présage le tourment de Phèdre à travers la tragédie.

Cette périphrase sert à rappeler au lecteur les origines de Phèdre. Cela est important parce que Pasiphaé, la mère de Phèdre, était tourmentée par le désir; la passion irrationale causée par Vénus et sa malédiction sur la famille est un thème central dans la pièce.  Hippolyte dit que “cet heureux temps n’est plus” depuis l’arrivée de Phèdre.  Elle amène la malédiction de sa famille à Athènes.

 

2.         Noble et brillant auteur d’une triste famille,
            Toi, dont ma mère osait se vanter d’être fille,
            Qui peut-être rougis du trouble où tu me vois,
            Soleil, je te viens voir pour la dernière fois. (Phèdre, I, iii, 169-72)

Voici deux exemples de bonnes analyses / interprétations :

Cette métaphore sert à décrire le soleil comme le père, le chef de la famille, d’une manière plus poétique que de dire, “chef d’une triste famille.”  En disant « auteur », Phèdre met la responsabilité sur l’auteur, d’une manière subtile, comme s’il est le créateur de la famille, et comme s’il a causé la tristesse. En plus, en parlant au soleil en apostrophe, Phèdre fait deux choses:  1) elle donne de la «  vie » au soleil, comme s’il était un vrai homme, un personnage; et 2) en donnant des qualités humaines au soleil, Phèdre peut «  lui » parler et exprimer toutes ses pensées aux spectateurs, sans parler avec un autre personnage.

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C’est un exemple de l’apostrophe parce que Phèdre parle au Soleil, qui est absent; c’est aussi une périphrase quand elle l’appelle « noble et brillant auteur d’une triste famille. »  C’est alors à la fois une référence à la destinée tragique de sa famille et un « au revoir » émotionnel et dramatique à son grand-père.

 

3.  Je sentis tout mon corps et transir et brûler. (Phèdre, I, iii, 276)

Voici deux exemples de bonnes analyses / interprétations :

Quand Phèdre se sent à la fois et transir et brûler, c’est un oxymore parce qu’elle expérience au même temps deux sensations opposées.  Ses sensations physiques correspondent à la confusion qu’elle se sent au sujet de son amour, le chaud représentant son amour pour Hippolyte et le froid la peur et la honte qu’elle ressentit aussi.

Avec l’oxymore, Phèdre peut nous montrer qu’elle souffre beacuoup.  Transir et brûler sont deux réactions différentes que l’on sent dans une situation horrible.  L’amour que Phèdre sent pour Hippolyte, et le résultat (la honte), lui causent deux réactions.  En utilisant simplement deux mots opposés, Racine arrive à nous donner un vrai sens de la puissance de la souffrance de Phèdre.

 

4.         Depuis plus de six mois éloigné de mon père,
            J’ignore le destin d’une tête si chère;
            J’ignore jusqu’aux lieux qui le peuvent cacher.  (Hippolyte, I, i, 5-7)

Voici deux exemples de bonnes analyses / interprétations :

Hippolyte annonce à Théramène qu’il va à la recherche de son père.  En utilisant une synecdoque pour le décrire (“une tête si chère”), il nous montre son respect pour son père—ce qui est ironique en face de l’accusation que Thésée fait plus tard.  De plus, Hippolyte commence à parler du destin, un thème important dans Phèdre.  Est-ce qu’Hippolyte suggère que les lieux peuvent cacher le destin de quelqu’un?  Et peut-il donc fuir Aricie?

La synecdoque, «tête si chère», peut signifier la valeur de son père, le royaume, ou son père comme le roi.  Alors, on trouve dans ces trois mots l’idée de la centralité de Thésée pour Hippolyte et pour le royaume grec.

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