« Ce proverbe est la substance même de l’article 29 de la déclaration des droits de l’homme : 1. L’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personnalité est possible. 2. Dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique. 3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies. » (17 novembre 2020)
« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » est un célèbre adage qui signifie, en général, qu’un individu doit pouvoir faire l’exercice de sa liberté sans que celui-ci limite la liberté des autres ou soit nuisible aux autres. En d’autres termes, la liberté des uns ne doit pas empiéter sur la liberté des autres ou, plus encore, porter préjudice aux autres. Son exercice doit être pensé dans le cadre de la vie sociale. Par exemple, j’ai le droit d’écouter chez moi de la musique, mais je ne devrais pas l’écouter trop fort car je risque d’empiéter sur la liberté des autres, celle de rester au calme chez eux ou d’écouter leur propre musique. Sinon, je risque de soumettre les autres à la ma propose liberté, et l’on ne pourra plus dire que l’on vit en liberté.
Rousseau (1712 – 1778) dit ainsi, dans ses Lettres écrites de la montagne (1763) :
On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté, ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un état libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre.
Cet adage, qui est devenu un lieu commun, est un appel à la modération et à la préservation de la sécurité des autres. La liberté ne doit pas donner naissance à une guerre de tous contre tous. Cependant, la faiblesse principale de cet adage tient à l’indéfinition des bornes de la liberté de chacun : quand ma liberté doit-elle s’arrêter ? Qu’est-ce qui peut justifier son arrêt ? La liberté est-elle toujours la liberté si elle est bornée ? La préservation de la sécurité de chacun n’est-elle pas le prétexte à des restrictions excessives de liberté ?
Cet adage n’est pas toujours compris dans ce sens. Jorge Mario Bergoglio, le pape François, écrit ainsi dans Se mettre au service des autres, voilà le vrai pouvoir (2014 ) : « Nous connaissons la devise : “La liberté finit là où commence celle des autres ”. Ce qui signifie : “ S’il n’y avait pas les autres, tu serais plus libre… ” »
Ainsi, le pape prend ici une position contraire à la position commune : si la liberté finit là où commence celle des autres, l’absence des autres supprimerait les bornes de cette liberté. La liberté n’est pas comprise ici selon l’individu, parce que son exercice serait impossible sans les autres. Le philosophe Christian Godin (Au fil de la philosophie, 1999) l’exprime autrement :
Une détestable formule prise comme une vérité indiscutable : « Là liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ». Formule exécrable en ce qu’elle place la liberté dans une logique de la concurrence alors que la liberté ne peut être véritablement comprise que dans une logique de la solidarité.
Quoi qu’il en soit, cette dialectique entre l’exercice de la liberté individuelle et les contraintes de la vie en société renvoient à un phénomène étudié par Kant, « l’insociable sociabilité » des hommes.
À lire ici : qu’est-ce que « l’insociable sociabilité » ?
Qui est l’auteur de : La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ?
La recherche de l’auteur de cette formule est difficile, d’autant qu’elle s’est manifestée sous différentes formes. Elle ne semble pas avoir d’auteur unique. Elle est souvent attribuée au penseur britannique John Stuart Mill (1806 – 1873), qui dit en effet dans son essai de 1859, On Liberty :
The liberty of the individual must be thus far limited ; he must not make himself a nuisance to other people
La liberté de l’individu doit être ainsi bornée : il ne doit pas se rendre nuisible aux autres (traduction de 1860).
La formule, proche dans le fond, est, on le voit, bien différente dans la forme. Les mots-clés « où commence celle des autres » ou « où commence celle d’autrui » ne sont pas repérés par Google Ngram avant le milieu du XIXe siècle. C’est à cette époque qu’on en trouve les premières citations sur Gallica :
En effet, Messieurs, l’Autorité limite, il est vrai, notre liberté ; mais où finit-elle notre liberté ? elle finit, Messieurs, où commence celle des autres : voilà sa limite.
Du Respect de l’autorité, 1849
[La religion] Elle seule, quand la politique allait proclamer les droits, pouvait rappeler les devoirs, et montrer, par les sublimes notions de son enseignement, à une population peu éclairée, mais chrétienne, là où s’arrête la liberté de chacun, et où commence celle d’autrui.
Gazette nationale, 15 décembre 1850, rapport de M. Dariste
Il est bon qu’on le sache, la liberté des uns finit où commence celle des autres.
La Liberté : journal démocratique de l’Hérault, 14 décembre 1869
Cet adage est peut-être une transformation de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 :
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
Mais cette généalogie est improbable, puisque la formule existe dans d’autres langues. L’anglais dit ainsi : « your liberty stops where my nose begins » ou « your freedom stops where another’s begins », sans que l’auteur en soit moins inconnu.
Dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, on lit :
Art. 4. – La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.Ce que l’on retrouve dans la deuxième Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (préambule de le Constitution du 24 juin 1793) sous une forme légèrement différente :
Article 6. La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait.
La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres
334
mots
2 pages
Introduction :
Il est à présent permis à de grands entrepreneurs de déloger des citoyens pour construire des infrastructures à but lucratif. On peut donc se permettre de parler d’injustice, ceci allant à l’encontre d’un des principes fondamentaux régissant la cité : le droit au logement. D’après la citation de John Stuart Mill : « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres », l’intérêt du collectif prime sur l’intérêt individuel. Henry Guy tend à défendre cette idée, comme le montre cette phrase trouvée dans son œuvre Voyage en Syrie : « Justice qui nous nuit vaut mieux qu’injustice qui nous réjouit ». Il suppose ici que la justice doit se faire dans toute impartialité, et non s’arrêter au simple principe d’intérêt qui est purement d’ordre personnel. La justice serait donc plus légitime, au lieu de se rendre au plus privilégiés possédant le pouvoir nécessaire pour retourner la justice en leur faveur, et donc qui se dénaturera, perdra son essence propre et laissera régner l’anarchie de l’injustice. Il y a des principes fondamentaux sur lesquels est basée notre société, et il n’est pas toujours de l’intérêt personnel que d’aller en faveur de ces principes. La question qui se présente donc à nous est la suivante : La puissance d’un principe doit-elle s’imposer devant l’intérêt personnel ? Nous nous intéresseront à la légitimité de cette justice, basée sur des principes pourtant ni intangibles ni sans défaut, mais qui s’oppose à la quête de l’intérêt personnel et du principe même de justice.
Conclusion : Le principe de la justice sur lequel celle est basée se montre donc bien plus puissant que la simple notion d’intérêt personnel. Sa légitimité vient de son caractère collectif et ne se rabaisse pas à de tels concepts simplistes tels que l’égoïsme chez quelques individus. Il se trouve que l’intangibilité de cette justice nous impose de nuancer la citation d’Henry Guys, qui se montre trop direct. L’homme doit donc continuer sa quête de la
https://www.youtube.com/watch?v=
Soyez le premier a laisser un commentaire