Le Loup et l’Agneau
La raison du plus fort est toujours la meilleure:
Nous l’allons montrer tout à l’heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d’une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage? »
Dit cet animal plein de rage:
Tu seras châtié de ta témérité.
— Sire, répond l’Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d’Elle;
Et que par conséquent, en aucune façon
Je ne puis troubler sa boisson.
— Tu la troubles, reprit cette bête cruelle;
Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
— Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né?
Reprit l’Agneau; je tette encor ma mère.
— Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
— Je n’en ai point. — C’est donc quelqu’un des tiens;
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l’a dit: il faut que je me venge. »
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l’emporte, et puis le mange,
Sans une autre forme de procès.
The Wolf and the Lamb
The strong are always best at proving they’re right.
Witness the case we’re now going to cite.
A Lamb was drinking, serene,
At a brook running clear all the way.
A ravenous Wolf happened by, on the lookout for the prey,
Whose sharp hunger drew him to the scene.
« What makes you so bold as to muck up my beverage? »
This creature snarled in rage.
« You will pay for your temerity! »
« Sire, » replied the Lamb, « let not Your Majesty
Now give in to unjust ire,
But rather do consider, Sire:
I’m drinking — just look —
In the brook
Twenty feet farther down, if not more,
And therefore in no way at all, I think,
Can I be muddying what you drink. »
« You’re muddying it! » insisted the cruel carnivore.
« And I know that, last year, you spoke ill of me. »
« How could I do that? Why I’d not yet even come to be, »
Said the Lamb. « At my dam’s teat I still nurse. »
« If not you, then your brother. All the worse. »
« I don’t have one. » « Then it’s someone else in your clan,
For to me you’re all of you a curse:
You, your dogs, your shepherds to a man.
So I’ve been told; I have to pay you all back. »
With that, deep into the wood,
The Wolf dragged and ate his midday snack.
So trial and judgment stood.
Annonce
1er décembre 2022, Université Le Havre Normandie
Argumentaire
Après le succès de la journée « Rentrer dans le moule ? » en 2021, le Pôle de Recherche en Sciences Humaines et sociales de l’Université Le Havre Normandie (PRSH) se propose à nouveau d’accueillir doctorant/e/s et jeunes chercheur/euse/s en sciences humaines et sociales de tous horizons afin d’échanger autour d’un sujet transdisciplinaire.
« La raison du plus fort est toujours la meilleure ». C’est par ce vers satirique que commence la fameuse fable de Jean de La Fontaine, Le Loup et l’Agneau (1668). En mettant aux prises un loup affamé avec un agneau innocent et raisonneur dans un semblant de procès, La Fontaine révèle l’impuissance des raisons et de la Raison face à la tyrannie assise sur la violence.
À travers le thème de la raison du plus fort, il s’agit donc d’interroger les fondements qui sous‑tendent, articulent et justifient les dynamiques de pouvoir sous toutes leurs formes (politiques, géographiques, culturelles, artistiques, historiques, littéraires, juridiques, etc.).
Ce sujet ouvre donc de multiples pistes de réflexion, parmi lesquelles :
Origine(s) du pouvoir
On peut se demander ce qui, de la raison ou de la force, fonde le pouvoir. Platon souligne dans La République que le philosophe, par sa capacité fondamentale à faire taire son désir et primer sa raison, est par conséquent le seul qui peut gouverner. Plus tard, pour les Lumières, c’est aussi la Raison qui doit idéalement commander l’exercice du pouvoir. La capacité à raisonner est‑elle alors la force à l’origine des inégalités ?
À l’inverse de ces perspectives pour lesquelles le pouvoir prend — ou devrait prendre — source dans la raison, on pourra aussi s’interroger : la Raison vient-elle en réalité légitimer a posteriori le pouvoir pris par la force ?
La complémentarité entre raison et force
La force permet de donner « un bras armé » à la raison qui peut être à la fois subjective et objective. Subjective quand elle apparaît être un mobile pour la recherche de la vérité et qu’elle conduit alors au dessein d’une idéologie, mise en œuvre par un soft power. Objective, quand elle apparaît être une nécessité pour un corps social donné, légitimant l’utilisation d’un hard power.
La raison s’exprime alors à l’aide de la force quand la force trouve sa justification dans la raison. Il s’agit donc d’examiner les modalités de cette relation complémentaire qui unit raison et force et d’en questionner les conséquences.
La force, justification de la raison ?
Comment agir quand on pense « avoir raison » face à un pouvoir perçu comme déraisonnable, quand la raison du plus fort ne nous semble pas la meilleure ? Si elle est nécessairement l’outil des groupes dominants, la force n’est pas pour autant l’apanage du « plus fort ». Au contraire, c’est précisément pour contester le pouvoir qu’elle est parfois exercée.
Face à la répression ou la négation de l’altérité, l’usage de la force peut ainsi venir justifier la raison. Il s’agit donc ici de se concentrer sur les questions d’émancipation et de contestation par la force alors perçue comme raisonnable et raisonnée.
D’une raison à une autre
Comment dépasser la raison du plus fort et par quoi la remplacer ? Par la fiction, le rêve, l’utopie ?
C’est peut-être quand le regard s’ouvre au potentiel émancipateur de l’imaginaire et de la fiction, notamment à la perspective de l’utopie, que se dessine une telle éventualité. Par extension, cela permet de questionner les formes discursives, rhétoriques et narratives sur lesquelles peuvent reposer l’expression de la raison et de la force.
Modalités de soumission
Les propositions de communication, de 400 à 500 mots, sont à envoyer aux adresses [email protected] ET [email protected]
avant le 8 septembre 2022, 17h.
Elles devront faire figurer en préambule une courte biographie (nom, prénom, adresse électronique, laboratoire, champ disciplinaire et université d’origine).
Calendrier
- 08/09/2022 : réception des propositions
- 12/09/2022 au 26/09/2022 : évaluation des propositions par les experts
- 30/09/2022 : retour aux candidats
- 01/12/2022 : journée d’étude
Comité d’organisation
Cette journée est organisée à l’initiative des doctorants de l’Université Le Havre Normandie avec le soutien du PRSH.
- Raphaël Crocfer, section 2, CERMUD, inscrit en 2019.
- Florian Doré, GRIC, section 9, inscrit en 2018.
- Angélina Giret, GRIC, section 11, inscrite en 2021.
- Jérôme Ordoño, GRIC, section 11, inscrit en 2020.
- Briac Picart Hellec, GRIC, section 11, inscrit en 2018.
- Alexandra Seha, PRSH, ingénieure d’études.
Comité scientifique
- Nada Afiouni, MCF en civilisation britannique contemporaine, GRIC,
- Baptiste Allard, MCF droit privé et sciences criminelles, CERMUD,
- Sonia Anton, MCF en littérature française, GRIC,
- Zouhair Ait Benhamou, MCF en macroéconomie des pays émergents, EDEHN,
- Michel Bruno, MCF HDR droit public, LexFeim,
- Myriam Boussahba-Bravard, PU histoire anglaise, GRIC,
- Véronique Bui, MCF en littérature française du XIXe siècle GRIC,
- Sophie Cros, PU en sciences de gestion NIMEC,
- Daiana Dula, MCF en en sciences de l’information et de la communication, IDEES
- Nicolas Guillet, MCF HDR droit public, CERMUD,
- Myriam Hachimi-Alaoui, MCF en sociologie, IDEES,
- Arnaud Lemarchand, MCF en économie, IDEES,
- Nicolas Larchet, MCF en sociologie, IDEES,
- Carine Roucan, chercheuse en littérature du XIXe siècle, GRIC,
- Patricia Sajous, MCF HDR, Géographie Aménagement IDEES.
La Raison du plus fort est un film documentaire produit en 2003, réalisé par Patric Jean, sorti en France en 2005.
Le premier plan du film le résume en partie : de la fenêtre d’une prison en construction, on voit au loin une usine en ruine. La fermeture de la seconde est, pour le réalisateur, la cause indirecte, mais mécanique de la création de la première : « aujourd’hui on détruit ici une usine et demain on bâtira une prison »[1]. Telle est la thèse du documentaire.
Ce documentaire suggère en effet qu’en France, en Belgique et en d’autres pays d’Europe, les politiques mise en œuvre pour lutter contre la hausse du chômage sont plus sécuritaires qu’économiques : au lieu de combattre la pauvreté, on combat les pauvres. Aux côtés des quartiers riches, on tolère l’existence de banlieues de misère où se généraliserait la « tolérance zéro »[2].
Patric Jean montre ainsi que l’on concentre dans ces quartiers de misère tous les problèmes de nos sociétés : fort taux de chômage, fort taux d’analphabétisme, faux taux de pauvreté, fort taux de précarité, fort taux de criminalité… Alors que, selon lui, c’est précisément dans ces quartiers que l’État est le moins présent : faiblesse et/ou difficulté d’accès des équipements culturels, faiblesse des infrastructures de transport et d’urbanisme, distance à l’autorité, etc. Le documentaire identifie alors les conséquences de cette logique discriminatoire propre à nos sociétés occidentales[3].
Ce faisant, le réalisateur remet en cause l’image d’une démocratie européenne où tous auraient leur chance et offre un regard sur la société européenne, qu’il juge brutale[4]. Il déclare ainsi en introduction au documentaire : « Quelle drôle d’époque ! Que sommes-nous en train de faire ? Avons-nous perdu la raison ? »
Avec ce documentaire, Patric Jean souhaite dénoncer le changement de politique mis en œuvre en Europe depuis la fin des années 1990 : « C’est toute l’Europe qui est en train de passer du traitement social de la pauvreté au traitement carcéral »[5]. Le documentaire repose sur une argumentation rigoureuse[6], le réalisateur ayant choisi un certain nombre d’exemples particulièrement pertinents. Ses thèses sont proches de celles que le sociologue Loïc Wacquant avait par exemple développé dans Parias urbains. Ghetto, banlieues, État. (La Découverte, Paris, 2006) ou celles du philosophe Jean-Paul Curnier. Ce dernier précise : « Le seul futur des démocraties occidentales aujourd’hui, c’est la menace de leur fin… Et l’on voit bien du reste comment, aux promesses d’un monde meilleur, se sont substituées les exhortations au rassemblement contre toutes sortes de menaces, comment à l’idée de conquêtes démocratiques s’est substituée celle du maintien d’une froide survie… »[7][source insuffisante].
Sélections et récompenses
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Le film est sélectionné dans de nombreux festivals de films et y reçoit des prix.
Il reçoit par ailleurs des récompenses remis par des organismes de récompenses.
- le Prix Henri Storck, organisé par le Fonds Henri Storck
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, ex-aequo avec La Décomposition de l’âme de Nina Toussaint et Massimo Ianetta.
Enfin, sa sortie en salle française a été soutenue par L’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion)[9].
Quelques festivals et prix :
2003 9ème Festival du film documentaire Viewpoint – Gand | Cinéma du réel – compétition – Paris | Regards sur le travail – Bruxelles | Festival Encuentros del otro cine – Equateur | Festival des résistances et des alternatives – Paris | Vision du réel – Nyon – MENTION SPECIALE DU JURY ET PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE NYON | Festival des résistances et des alternatives – Saint-Etienne | Contre le Sommet du G8 – Evian | Festival de Cannes – sélection de l’ACID – Cannes | Festival Mostra Internationale Del Nuovo Cinema – Pesaro | Festival Résistances – Foix | Etats généraux du documentaire de Lussas – Lussas | Ecocinéma Festival – Rhodes – GRAND PRIX | Festival International du Film Francophone de Namur – Namur | Prix Europa – Berlin – MENTION SPECIALE | Festival des Libertés – Bruxelles | Rencontres de Besançon – Besançon | Festival de Sheffield – Sheffield | Festival de Turin – Turin | Rencontre internationale documentaire de Montréal – Montréal | Les écrans documentaires de Gentilly – Gentilly – PRIX DU REGARD SOCIAL | Festival du film d’Amiens – Amiens | Festival de Saint-Brieux – Saint-Brieux | Danish Human Right Film Festival – Copenhague | Festival de Stokholm – Stokholm | Entrevues » – Belfort | Festival du Cinéma d’Attac – Bruxelles | Prix Henri Storck – Bruxelles | Filmmaker film and video festival – Milan | Festival dei popoli – Florence | 2004 Festival Paroles d’hommes – Herve (Belgique) | 6è objectif doc – Paris | Festival Attac « Critique sociale du capitalisme » – Lille | Festival « Power or justice » – Göteborg | Champ contre champ – Lasalle en Cévennes | Human Rights Film and Documentary Review – Mantova (Italie) | Film festival of turkish foundation of cinema and audiovisual culture – Istanbul | Rencontres du Cinéma documentaire social d’Avignon – Avignon | Festival de olhos bem abertos (Gardons les yeux ouverts) – Rio de Janeiro | Festival de cinéma de Douarnenez – Douarnenez | Séoul Labor film festival – Séoul – Corée du Sud | Jihlava IDFF – Tchéquie | 2006 One world Internatinal Film Festival – Prague | Fajr International Film Festival – Iran | 2007 Let it BE – Cinéma Nova – Bruxelles | 7 Islands International Film Festival – Bombay – Inde | Emirates Film Competition – Abu Dhabi – Emirats Arabes Unis | 2009 Festival contre le racisme et les discriminations – Nantes
Notes et références
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