Le point de vue
Le point de vue est la place qu’adopte le narrateur pour raconter l’histoire. Il existe trois points de vue différents.
1. Le point de vue omniscient
Le narrateur connaît tout de l’histoire, des personnages, des décors. Il connaît les pensées, lafaçon d’agir, les moindres faits et gestes de ses personnages. C’est le point de vue omniscient. L’auteur laisse ainsi peu de place à l’imagination du lecteur.
Exemple :
« Avec le temps, la cousine Bette avait contracté des manies de vieille fille, assez singulières. Ainsi, par exemple, elle voulait, au lieu d’obéir à la mode, que la mode s’appliquât à ses habitudes, et se pliât à ses fantaisies toujours arriérées. Si la baronne lui donnait un joli chapeau nouveau, quelque robe taillée au goût du jour, aussitôt la cousine Bette retravaillait chez elle, à sa façon, chaque chose, et la gâtait en s’en faisant un costume qui tenait des modes impériales et de ses anciens costumes lorrains. Le chapeau de trente francs devenait une loque, et la robe un haillon. La Bette était, à cet égard, d’un entêtement de mule; elle voulait se plaire à elle seule et se croyait charmante ainsi; » (Balzac, la cousine Bette)
Ici, Balzac nous dit absolument tout sur la cousine Bette : il décrit son caractère, ses habitudes, ses manies, ses pensées.
2. Le point de vue externe
L’auteur se place en observateur extérieur pour raconter l’histoire. Il rapporte ce qu’il voit, ce qu’il entend, il décrit l’action telle qu’elle se passe, comme si elle était filmée par une caméra. Le récit est alors plus objectif et laisse plus de place à l’imagination du lecteur.
Exemple :
« Comme il faisait une chaleur de trente-trois degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument désert. Plus bas le canal Saint-Martin, fermé par les deux écluses étalait en ligne droite son eau couleur d’encre. Il y avait au milieu, un bateau plein de bois, et sur la berge deux rangs de barriques. Au delà du canal, entre les maisons que séparent des chantiers le grand ciel pur se découpait en plaques d’outremer, et sous la réverbération du soleil, les façades blanches, les toits d’ardoises, les quais de granit éblouissaient. » (Flaubert, Bouvard et Pécuchet)
Ici, Flaubert décrit le boulevard Bourdon tel qu’il le voit, comme s’il décrivait une image.
3. Le point de vue interne
Quand un récit est fait d’un point de vue interne, le narrateur se glisse dans la peau d’un personnage et raconte l’histoire à travers ce personnage. Le narrateur rapporte ce que voit, entend, pense ce personnage.
Exemple :
« Charles monta, au premier, voir le malade. Il le trouva dans son lit, suant sous ses couvertures et ayant rejeté bien loin son bonnet de coton. C’était un gros petit homme de cinquante ans, à la peau blanche, à l’œil bleu, chauve sur le devant de la tête, et qui portait des boucles d’oreilles. » (Flaubert, Madame Bovary)
Ici, Flaubert nous décrit la situation à travers le regard de Charles. Il décrit ce que voit Charles.
Lorsqu’un récit est fait à la 1ère personne, le point de vue est forcément interne.
Exemple :
« L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’ Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. » (Camus, l’Etranger)
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Point de vue : Point de vue interne
Point de vue/Point de vue interne
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L’utilisation du point de vue interne (également appelé « focalisation interne ») permet au narrateur de rapporter les événements du récit à travers la conscience de l’un des personnages. Les sentiments, pensées et ressentis de ce personnage pourront donc être rapportés, en plus de ses faits et gestes. Les récits à la première personne utilisent presque nécessairement le point de vue interne, mais ce dernier peut également se trouver dans les narrations à la troisième personne. Le narrateur adopte le regard d’un seul personnage; il voit la scène par ses yeux(du personnage), il connaît ses pensées et ses sentiments. Par contre, il ignore tout ce que le personnage ignore.
On utilise le point de vue interne dans les autobiographies, ainsi que dans les romans policiers, et plus généralement dans les récits où l’auteur veut favoriser l’identification du lecteur avec le héros de l’histoire.
» Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda. »
[…]
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manœuvre ; puis il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait d’observer une chaloupe sur la rivière.
Jamais il n’avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. Il considérait son panier à ouvrage avec ébahissement, comme une chose extraordinaire. Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées, les gens qu’elle fréquentait ; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites. »
Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, chapitre I (1869)
- Sont notées en gras les marques qui indiquent que le narrateur utilise le point de vue interne. On notera également l’utilisation des paroles rapportées au discours indirect libre (ici en gras et en italiques), qui reproduisent les propos que Frédéric se tient à lui-même.
Les points de vue
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Dans un récit (un roman, une nouvelle, une épopée… ), il importe de se poser la question Qui voit ? (ou mieux encore Quel est le personnage dont le point de vue oriente la narration ? ).
On voit ce que voit celui qui porte le casque.
En d’autres termes, on de se demande comment sont vus ou perçus les événements racontés dans une histoire.
On se demande alors quel est le point de vue utilisé.
Il existe trois types de point de vue que l’on peut symboliser par les formules suivantes :
-
Narrateur > Personnage
(Le narrateur en sait plus que le personnage). C’est
le point de vue zéro
.
-
Narrateur = Personnage
(Le narrateur ne dit que ce que sait le personnage). C’est
le point de vue interne
.
-
Narrateur < Personnage
(Le narrateur en dit moins que n’en sait le personnage). C’est
le point de vue externe
.
Notez que l’on ne parle pas toujours de point de vue, mais aussi de focalisation. C’est à peu près la même chose et j’emploie souvent indifféremment l’un ou l’autre.
Le terme de focalisation signifie Concentrer en un point, comme avec un appareil photo ou une caméra. La focalisation porte le plus souvent sur une partie narrative, qui peut-être fort brève, plus rarement sur une œuvre entière.
1 – Le point de vue zéro
C’est une absence de focalisation, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune « restriction de champ », pas de sélection de l’information narrative. La perception est illimitée. C’est l’omniscience narrative. Le narrateur en sait plus que le personnage et peut être comparé à Dieu, puisqu’il connaît le passé, le présent et l’avenir ou encore les pensées de chacun de ses personnages, même ce qu’ils cachent.
Dans l’extrait ci-dessous, le narrateur sait tout de Louis Lambert. Il connaît même sa destinée. Il connaît également les intentions du père.
Louis Lambert naquit, en 1797, à Montoire, petite ville du Vendômois, où son père exploitait une tannerie de médiocre importance et comptait faire de lui son successeur ; mais les dispositions qu’il manifesta prématurément pour l’étude modifièrent l’arrêt paternel. D’ailleurs le tanneur et sa femme chérissaient Louis comme on chérit un fils unique et ne le contrariaient en rien. L’Ancien et le Nouveau Testament étaient tombés entre les mains de Louis à l’âge de cinq ans ; et ce livre, où sont contenus tant de livres, avait décidé de sa destinée. (Louis Lambert d’Honoré de Balzac)
Dans l’extrait suivant, le narrateur connaît les pensées de chacun de ses personnages, pensées que pas un ne formule :
Ce fut un repas étrange. Chacun se montrait d’une prévenance extrême :
– Voulez-vous encore un peu de café, miss Brent ?
– Une tranche de jambon, miss Claythorne ?
– Un autre toast ?
Six personnes, extérieurement calmes et maîtresses d’elles-mêmes.
Mais intérieurement ? Des pensées qui tournaient en rond comme des écureuils en cage…
« Et maintenant ? Et maintenant ? Qui ? Lequel ? »
« Est-ce que ça va marcher ? Je me demande… Mais ça vaut le coup d’essayer. Seulement est-ce que nous aurons le temps ? Bon Dieu, est-ce que nous aurons le temps?… »
« Folie mystique, à tous les coups… Pourtant, à la regarder, on ne croirait jamais… Et si je me trompais?… »
« C’est dingue… tout est dingue. Je deviens dingue. De la laine qui disparaît… des rideaux en toile cirée rouge… ça n’a ni queue ni tête. Je ne comprends le comment du pourquoi… »
« L’imbécile ! Il a cru tout ce que je lui ai dit. Simple comme bonjour… Il faut quand même que je sois prudent, très prudent. »
[…] ( Agatha Christie, Dix petits nègres )
2 – Le point de vue interne
Il s’utilise de telle façon que le lecteur voit ce que voit le personnage. C’est un peu comme si nous étions le personnage dont on voit l’arme que celui-ci tient dans la main, comme dans certains jeux vidéo.
Ce procédé est également fréquemment utilisé au cinéma. On parle alors de caméra subjective. Le spectateur s’identifie ainsi au personnage en se mettant à sa place. On en a quelques exemples dans l’extrait du film Troie lors du duel entre Pâris et Ménélas (dont on voit une image au début de ce cours ou encore, grosso modo, dans les deux premières minutes de l’extrait, à voir sur Dailymotion ).
Dans un texte où le point de vue interne est utilisé, nous sommes amenés à connaître les sentiments et les pensées du personnage. Le personnage focal n’est jamais décrit ni même désigné de l’extérieur et ses pensées ou ses perceptions ne sont jamais analysées par le narrateur. Si le récit ou un passage est mené à la troisième personne, on peut le réécrire à la première personne, comme si nous étions le personnage (à condition qu’il n’y ait aucune incohérence : on ne peut, en effet, transcrire « Il semblait avoir peur » par « Je semblais avoir peur »).
Le narrateur ne dit que ce que sait le personnage.
En voici un exemple :
[…] j’étais arrivé à la porte, et je me redressai. Je ne pus rien distinguer à l’intérieur où régnaient d’opaques ténèbres. D’autre part, je n’entendais que le ronflement régulier des dormeurs, et, parfois, de petits bruits semblables à des froissements de plumes ou à des coups de bec, parfaitement inexplicables pour moi.
J’entrai d’un pas ferme, les bras tendus en avant. J’avais l’intention (et j’en riais en silence) d’aller m’étendre à ma place habituelle, pour me moquer ensuite de la mine que feraient mes compagnons quand ils me trouveraient le lendemain matin. ( Robert Louis Stevenson, L’Île au trésor )
3 – Le point de vue externe
Le héros agit devant nous sans que nous ne connaissions jamais ses pensées ou ses sentiments (pour cette raison, le récit est mené à la troisième personne). On trouve ce type de point de vue dans les romans d’aventure qui traitent leurs premières pages en focalisation externe (dans Le tour du monde en 80 jours de Jules Verne ou Joseph Balsamo d’Alexandre Dumas, par exemple). Le début à focalisation externe suscite l’intérêt du lecteur du fait qu’il y a un mystère : le personnage est un inconnu à l’identité problématique, mystérieuse.
Le narrateur en dit moins que n’en sait le personnage.
Voici un exemple :
Dans les premiers jours du mois d’octobre 1815, une heure environ avant le coucher du soleil, un homme qui voyageait à pied entra dans la petite ville de Digne. Les rares habitants qui se trouvaient en ce moment à leurs fenêtres ou sur le seuil de leurs maisons regardaient ce voyageur avec une sorte d’inquiétude. Il était difficile de rencontrer un passant d’un aspect plus misérable. ( Victor Hugo, Les Misérables)
Besoin que l’on reprenne les choses ? Lisez ce résumé agrémenté d’une vidéo.
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