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Mumbai une métropole fragmentée

Bandra est un peu comme le centre de New York. C’est un quartier chic peuplé de stars de Bollywood, de prescripteurs de tendances, de hipsters et d’expatriés. Relativement proche de l’aéroport, il se trouve à quelques kilomètres seulement du Bandra Kurla Complex (BKC), le nouveau centre financier de la ville. […] « Bandra n’a pas toujours été branché. C’est stupéfiant de voir ce qu’il est devenu », confie Naresh Fernandes, le directeur du site d’information Scroll. […] « La mise en valeur a commencé au cours des vingt dernières années et le rythme s’accélère », ajoute‑t‑il. […] Aujourd’hui, on trouve dans un rayon de 2 kilomètres autour de Pali Naka la plus forte densité de cafés, restaurants, pubs, bars et pâtisseries d’Inde. […] Comment cette banlieue endormie s’est‑elle mise à attirer du monde ? Premièrement, bien entendu, la libéralisation a ouvert l’économie, créé de la richesse et du revenu disponible. […] Le Bandra‑Worli Sea Link

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, qui est apparu en 2009, a accéléré les déplacements à partir de Worli et contribué au phénomène. […] Le développement du Bandra Kurla Complex, à l’Est, a poussé de nombreux cadres de la finance et des affaires à s’installer à Bandra, où il y avait davantage de logements. Le quartier n’a de toute façon jamais manqué de prestige – Pali Hill accueille certaines des plus grandes stars du cinéma indien – et la rénovation des immeubles y a développé tout un écosystème. […] Les loyers de Bandra sont parmi les plus chers du pays : au minimum 4 400 roupies le mètre carré contre 2 200 à 3 850 roupies le mètre carré dans le reste de Mumbai.

Les métropoles sont très différentes les unes des autres, tant du point de vue de leur place au sein des territoires que de leurs espaces internes. De plus, les métropoles sont des espaces dynamiques. En leur sein, le rapport entre les centres et les périphéries passe par des recompositions : des nouveaux centres s’affirment, des espaces restent en marge, mettant en évidence des clivages sociaux et spatiaux. Au Nord et au Sud, des logiques semblables s’affirment, en même temps que villes du Nord et villes du Sud restent profondément marquées par le territoire dans lequel elles s’inscrivent. L’étude de deux situations urbaines, celle de Mumbai et celle de Londres, permet d’en juger.

I. L’exemple d’une ville du Sud : Mumbai, une métropole fragmentée

Mumbai (autrefois appelée Bombay) est marquée par l’émergence de l’Inde, dont elle est la ville la plus peuplée, avec 13 millions d’habitants dans la ville et 21 millions dans l’agglomération. La ville révèle les inégalités sociales et spatiales qui accompagnent le développement du pays.

1. Une métropole duale

• La situation littorale de Mumbai en fait depuis l’époque coloniale un port ouvert sur le monde. Elle est, depuis plusieurs siècles, bien connectée au reste du monde et constitue la porte d’entrée des innovations en Inde. Parmi les fonctions métropolitaines de Mumbai, celles liées à l’économie sont déterminantes. 41 % du commerce maritime entre l’Inde et le monde passe par son port. De ce fait, son poids industriel est important : 15 % de la production du pays. La ville exporte principalement des produits manufacturés à bas coût et importe des matières premières énergétiques. Son aéroport assure 42 % des vols internationaux et constitue le principal hub du pays.

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• La population de Mumbai est en forte croissance : elle comptait seulement 3 millions d’habitants en 1955. Cet accroissement est lié à l’exode rural et à l’accroissement naturel de la ville, malgré la baisse de la fécondité en milieu urbain. La croissance devrait se poursuivre dans les décennies à venir.

• Même si le revenu moyen des habitants de Mumbai est plus fort que celui des autres régions indiennes, les écarts de revenus sont importants et tendent à se creuser. Dans le bidonville de Dharavi, le revenu moyen est de 2 euros par jour. Mumbai associe des espaces de forte richesse au sein de certains quartiers du centre-ville, ainsi que dans des espaces littoraux privilégiés, au sud et à l’ouest, et des quartiers de grande pauvreté. Les quartiers riches voisinent, avec des contrastes saisissants, avec les slums ou bidonvilles, situés plutôt à l’est de la ville, dont les habitants subsistent grâce aux petits emplois dans les quartiers aisés ou dans l’économie interne de ces quartiers.

2. Une métropole reflet de l’émergence

• Le

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de Mumbai est en profonde mutation. Il prend peu à peu l’aspect d’une ville internationale, avec des gratte-ciel. Dans ces quartiers, on trouve également des logements de grand standing. De nouveaux centres apparaissent, en relais de l’ancien

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 : Oshiwara et Bandra Kurla. Les plus grandes

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indiennes, comme Tata, ont leur siège social à Mumbai. Grâce à l’anglophonie, des plates-formes téléphoniques y sont nombreuses. La ville est la principale place financière du pays, avec la principale bourse. L’espace productif de la ville est aussi en recomposition. Les nouvelles technologies, moins présentes qu’à Bangalore, se développent dans la technopole de Ghatkopar East.

• Dans le domaine de l’éducation, elle possède la principale université. Quant à l’influence culturelle du pays, elle apparaît avec les studios de Bollywood (forgé à partir du mot Bombay, nom donné à la ville à l’époque coloniale) qui produisent 250 films par an, diffusés surtout en Inde ou à destination de la diaspora.

3. Une métropole en voie de désunion ?

• Seule une partie de la ville est bien intégrée aux réseaux de la mondialisation. L’accès aux emplois et aux services est rendu difficile pour les habitants des quartiers populaires, car les réseaux de transports sont saturés. L’investissement en la matière reste insuffisant.

• Les quartiers les plus pauvres, avec 60 % de la population vivant dans les bidonvilles, présentent un défi important, alors que la gentrification ne fait encore que s’amorcer, par exemple dans le quartier de Bandra. La plupart du temps, la montée du prix de l’immobilier dans un bidonville proche du centre implique l’expropriation des habitants et la construction de grands programmes immobiliers. Sans solution de relogement, la population investit des espaces situés sur les marges urbaines et contribuent ainsi à l’étalement de l’espace urbain, sans que les réseaux nécessaires aient été mis en place.

• Les défis environnementaux sont importants. Certains concernent le domaine sanitaire : adduction d’eau, assainissement. Quant à la protection de l’environnement, malgré la pollution importante, la ville met en œuvre une politique de préservation d’espaces naturels, avec le parc national Sanjay Gandhi.

• Ainsi, l’affirmation de Mumbai comme métropole à l’échelle mondiale est un processus long. Il nécessite de trouver des réponses face aux mutations qu’il induit.

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a. Une croissance urbaine d’exception

En 1901, Mumbai concentre déjà 928 000 habitants. Le pouvoir colonial britannique a fait réaliser de grands ouvrages d’aménagement, qui ont permis à la ville de s’imposer comme la capitale économique de l’Inde.

Tout au long du XXe siècle, le peuplement se poursuit sur la façade ouest, tournée vers la mer d’abord, puis vers l’Est, le long du réseau ferroviaire. La ville de Mumbai est ainsi constituée aujourd’hui de la Island City (District de Mumbai-ville) et de ses banlieues (District de Mumbai-banlieue).

Ainsi, le district de Mumbai-ville concentre 13 millions d’habitants et son agglomération en compte 10 millions de plus. Malgré une transition démographique qui débute en 1920 et s’accentue en 1950 et un accroissement naturel plus modéré – mais encore élevé –, la croissance urbaine de la mégapole se poursuit. Elle est renforcé par un exode rural important qui ne permet pas de stabiliser l’étalement urbain de Mumbai.

 

 

Pourtant, les autorités cherchent à freiner sa croissance en favorisant la construction de villes nouvelles et la décentralisation.

Exemple
La ville nouvelle de Navi Mumbai a été aménagée par les autorités publiques dans les années 1970 dans le cadre de la politique de décentralisation.

En quoi le développement de Mumbai est-il révélateur des inégalités auxquelles doivent faire face les métropoles du Sud ?

Exercice 1. Une croissance urbaine démesurée

 

1.  Après avoir Localisé Mumbai vous ferez une présentation rapide de cette métropole (carte p. 34 + carte 3 p. 37 + introduction dossier + vidéo + document 1)

2. Caractérisez l’évolution démographique de Mumbai (carte p. 34, carte 1 p. 36 + vidéo + document 2)

3. Dites comment s’est traduite spatialement la croissance urbaine de Mumbai  (document 3  et vidéo)

Extrait du JT France 2 (30/10/2011)

Document 1. Mumbai en tête des 10 villes indiennes les plus riches 

 

En 2017, le media Business World a réalisé un classement des grandes villes indiennes les plus riches en fonction du PIB (Produit Intérieur Brut). Mumbai serait la ville la plus riche du pays avec 310 milliards de dollars de PIB. 

Mumbai est le centre financier du pays et est le siège de la banque centrale indienne (RBI – Reserve Bank of India), de la bourse nationale (NSE – National Stock Exchange) et de la bourse de Bombay. La ville est aussi reconnue comme la capitale économique et de nombreux conglomérats indiens y ont leur siège social dont Reliance Industries, Aditya Birla Group, Larsen & Toubro, Godrej Group, et Hindustan Petroleum. Mumbai contribue pour 6% du PNB indien, 10% de l’emploi ouvrier,  60% des droits de douane perçus et 30% des impôts sur le revenu perçus.

C’est aussi la ville indienne qui compte le plus de milliardaires (28) dont Mukesh Ambani, CEO de Reliance Industries et classé 13eme personne la plus riche du monde par Forbes. 

 

Lepetitjournal.com, 31 juillet 2019

Document 2. La croissance démographique de Mumbai

Document 2. La croissance démographique de Mumbai

 Document 3. Les manifestations spatiales de la croissance urbaine  Document 3. Les manifestations spatiales de la croissance urbaine

Document 3. Les manifestations spatiales de la croissance urbaine

Exercice 2.  Une croissance démesurée qui s’accompagne d’une accentuation des inégalités et des contrastes

 

1. Dites pourquoi on peut parler d’un paysage urbain fragmenté (document 1 p. 54 et vidéo)

2. Après avoir indiqué où se localisent les slums montrez que derrière ce terme se cache des espaces très divers (documents 2 p. 54 et vidéo)

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3. Identifiez les autres problèmes générés par la croissance démesurée de la ville (vidéo)

Exercice 3. Vers une accentuation ou une réduction des inégalités socio-spatiales

 

1.  Montrez que la croissance incontrôlée précarise encore plus les pauvres (vidéo et document 4 ci-dessous)

2. Décrivez comment se manifeste le processus de gentrification et identifiez en les causes (document 3 p. 55 et document 4 ci-dessous)

3. Dites comment les acteurs du projet cherchent-ils à réhabiliter le slum de Dharavi (document 4 p. 55

 

Bilan. A partir du travail réalisé, vous réaliserez une réponse argumentée permettant de répondre à la problématique de départ.

Document 4.  Comment repenser Mumbai ?

 

« La ville s’est développée sans aucune cohérence d’ensemble, car les pouvoirs publics, les promoteurs immobiliers et la mafia ont toujours été de mèche », raconte un urbaniste local, sous le sceau de l’anonymat.

Dans cette organisation informelle, les bidonvilles ont été instrumentalisés, pour devenir générateurs de capital : la ville vend les terrains des bidonvilles à un cartel d’une petite dizaine de promoteurs, en échange de droits à construire que ces derniers utilisent pour bâtir ailleurs.

« À l’arrivée, on se retrouve avec des immeubles de 30 étages flambant neufs et désespérément vides, au milieu des mangroves. Pendant ce temps-là, les habitants des bidonvilles, eux, ne bougent pas », s’insurge notre urbaniste. (…).

La solution passe par de nouvelles façons de faire la ville, au risque de bousculer les habitudes indiennes. Les 700 hectares de friches que les autorités portuaires viennent de rendre à la municipalité, tout au long de la côte est d’Island City, offrent de belles perspectives. À condition de ne pas reproduire les erreurs du passé, comme ce monorail de 19 km inauguré début 2014, qui ne mène nulle part, entre Chembur et Wadala. Ou comme Bandra Kurla Complex, ce nouveau quartier d’affaires où se sont installées de nombreuses banques et presque tous les diplomates de la ville, non loin de l’aéroport actuel. (…)

Certains rêvent de verdir Bombay, à l’image de l’architecte Alan Abraham, qui s’est inspiré de la Coulée verte du sud de Paris pour échafauder un projet de couverture de toutes les voies ferrées. Sur un linéaire de 114 km, celui-ci imagine des jardins et des pistes cyclables qui feraient respirer la mégapole, tout en recousant le tissu urbain.

« Bombay est coupée en deux par un réseau ferroviaire nord-sud qui oblige les gens à toutes sortes d’acrobaties pour circuler dans le sens est-ouest. Plus de dix personnes meurent chaque jour en franchissant les rails, rappelle-t-il. En construisant des dalles, on résoudrait le problème de la sécurité, on ferait disparaître le bruit des trains et on réduirait la pollution automobile en encourageant les transports alternatifs. »

« Les projets peuvent être validés, ils peuvent ensuite être bloqués pendant des années, sans que personne ne sache pourquoi », déplore Éric Dussiot, représentant en Inde du bureau d’études et d’ingénierie Arep.

L’agence d’architecture et d’urbanisme, filiale de la SNCF, a été chargée en 2009 de redessiner Chhatrapati Shivaji Terminus, la célèbre gare victorienne de Mumbai, pour en faire une plate-forme multimodale. Cinq ans après, aucun coup de pioche n’a encore été donné.

 

Stéphane Picard , Bombay multiplie les projets pour séduire ses habitants, La Tribune, 26 janvier 2015

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