Napoléon dans son cabinet de travail est un tableau peint par Jacques Louis David en 1812 qui représente l’empereur Napoléon Ier en uniforme dans son bureau des Tuileries. Ce portrait est une commande privée d’un noble écossais Lord Douglas, il est conservé à la National Gallery of Art, Washington, D.C. Une seconde version fut peinte par David qui diffère par la couleur verte de l’uniforme, celui des chasseurs à cheval. Cette dernière faisait partie de l’ancienne collection du Prince Napoléon. Elle est conservée depuis 1979 au château de Versailles.
Commande de lord Douglas en 1811, le tableau est terminé en mars 1812. Exposé au château des ducs de Hamilton, il est vendu en 1882 à Archibald Primrose (5e comte de Rosebery). En 1954 il est acquis par la fondation de Samuel H. Kress qui le dépose à la National Gallery of Art de Washington.
Seconde version commencée en avril 1812, peinte pour un certain M. Huibans. Le tableau reste dans l’atelier de David jusqu’en 1824 année de sa vente par l’intermédiaire d’Alquier pour 15 000 frs. Mis en vente à Beauvais en 1857, il est acheté par le ministère de la Maison de l’Empereur pour la somme de 10 000 fr. Installé aux Tuileries, il est mis sous séquestre à la chute du Second Empire. Il est restitué à l’impératrice Eugénie en 1880. Il passe ensuite dans la collection du prince Napoléon. En 1979 il est acquis par l’état sous réserve d’usufruit, et installé au château de Versailles[1].
Napoléon dans son cabinet de travail (1812) seconde version, au
David,(1812) seconde version, au château de Versailles
Le tableau est un portrait à la française de grandes dimensions, représentant Napoléon en grandeur naturelle, en pied. Il porte l’uniforme d’officier des grenadiers à pied, bleu foncé à revers blanc et manche rouge, gilet blanc, il arbore comme décorations, la Légion d’honneur et l’ordre de la Couronne de fer et des épaulettes dorées. Il porte une culotte à la française blanche, de même que ses bas, et des souliers noirs à boucles dorées. Il est debout de trois-quarts, une jambe avancée, le visage tourné vers le spectateur, sa main droite est glissée dans son gilet. Le décor représente son bureau des Tuileries au premier plan à droite, son fauteuil est en bois doré doublé de tissus de velours rouge à broderies d’or, son épée est posée sur l’accoudoir. Le bureau de style empire, montre un pied sculpté à motif décoratif représentant une tête de lion, en dessous on aperçoit des livres empilés, au-dessus sont posés des dossiers et des feuilles dont une, roulée, fait apparaître le mot « code ». Le sol est recouvert d’un tapis vert, sur lequel on voit à gauche une carte et une feuille roulés. En arrière-plan se trouve à droite, une grande pendule dont le cadran indique quatre heures dix du matin. Le tableau est signé sur la feuille enroulée en bas à gauche LVDci DAVID OPVS 1812.
La seconde version diffère par l’uniforme de chasseur à cheval de la garde, et l’horloge qui indique quatre heures au lieu de quatre heures dix.
Alexander Douglas dixième duc de Hamilton (portrait par Henry Raeburn daté des environs de 1812), commanditaire du tableau et admirateur de Napoléon.
Réalisé après la série de tableaux de cérémonies napoléoniennes (le Sacre de Napoléon et la Distribution des Aigles), ce portrait est la dernière réalisation de David consacré à Napoléon Ier. Le commanditaire Alexander Douglas dixième duc de Hamilton, était un admirateur de l’empereur et était ami de sa sœur Pauline Borghèse. Le duc, mécène et collectionneur d’art, envisageait aussi le soutien de Napoléon pour la restauration des Stuart sur le trône d’Angleterre[2]. La commande fut commencée par Féréol Bonnemaison qui connaissait David. Il sert d’intermédiaire entre le duc et le peintre pour les conditions de réalisation et de transactions financières. La commande est concrétisée par une lettre du duc transmise par Bonnemaison à David, datée du 3 août 1811[1].
Napoléon dans son cabinet de travail lithographie de Louis Kramp en 1825 d’après la seconde version peinte par David
Notes et références
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- Luc de Nanteuil, David, Paris, coll. « les grands peintres », 1987, 168 p. (ISBN
2-7022-0203-9
)
, Paris, Cercle d’Art « les grands peintres »,, 168
- Antoine Schnapper (dir.) et Arlette
Sérullaz
, Jacques-Louis David 1748-1825 : catalogue de l’exposition rétrospective Louvre-Versailles 1989-1990, Paris, Réunion des Musées nationaux, 1989, 655 p. (ISBN
2-7118-2326-1
)
) et Arlette, Paris, Réunion des Musées nationaux,, 655
- Manuel Mayer, Die Erschöpfung des Kaisers – Jacques-Louis Davids Napoleon im Washingtoner Tuilerien-Portrait, ART Dok, Publikationsplattform Kunst- und Bildwissenschaften der Universität Heidelberg, Heidelberg 2019, http://archiv.ub.uni-heidelberg.de/artdok/volltexte/2019/6369
Napoléon dans son cabinet de travail aux Tuileries
Artiste(s) : DAVID Jacques-Louis
Le 3 août 1811, un riche écossais, Alexander, marquis de Douglas – qui deviendra le dixième duc de Hamilton en 1819 -, adresse une lettre à David pour lui passer commande d’un portrait de Napoléon. « … vous avez daigné faire choix de mon Pinceau pour transmettre sur la toile les traits du Grand Homme, et le représenter dans un des événements qui l’ont immortalisé« , lui répond l’artiste le 20 septembre. David accepte d’exécuter un portrait en pied pour une somme oscillant entre 20 et 24 000 F qui, finalement, se montera à 1000 guinées soit 18 650 F. Achevé à la fin mars 1812, le tableau attire dans l’atelier du peintre, selon ses propres termes, « une foule innombrable de monde par son extrême ressemblance avec cet homme immortel… personne jusqu’à ce jour n’a encore fait un portrait plus ressemblant, non seulement par les traits matériels du visage, mais aussi par cet air de bonté, de sang froid et de pénétration qui ne l’abandonne jamais« .
La composition est en rupture avec la représentation traditionnelle du souverain en habits d’apparat. Elle s’apparente à une allégorie réaliste évoquant l’œuvre civile de l’Empereur. Napoléon porte l’uniforme bleu à larges revers blancs de colonel des Grenadiers à pied de la Garde, celui qu’il mettait ordinairement le dimanche, réservant l’habit vert des chasseurs à cheval à un usage quotidien. Dans une attitude passée à la postérité, la main droite dans le gilet, l’Empereur est traité sans complaisance. L’artiste ne cherche en rien à masquer la silhouette alourdie ou le visage presque bouffi. La plupart des portraits de David se détachent en buste sur un fonds nu ; le décor du cabinet de travail dans le palais des Tuileries, si précisément détaillé, joue ici un rôle fondamental. Les bougies consumées, l’horloge marquant quatre heures sonnées, la plume et les papiers épars sur le bureau, tout indique que le souverain a passé la nuit à travailler au Code civil. L’aube se lève et Napoléon s’apprête maintenant à passer ses troupes en revue. L’intention du tableau est claire : le chef militaire est aussi un puissant homme d’État, un administrateur et un législateur à la force de travail incomparable.
David exécute une répétition du tableau, un « second original », dès avril 1812, où Napoléon porte l’uniforme de colonel de chasseur à cheval (vert). Restée dans l’atelier de l’artiste et acquise en 1860 par le ministère de la Maison de l’Empereur pour être placée dans la salle des Maréchaux aux Tuileries, l’œuvre est rendue à l’impératrice Eugénie par décision de justice en 1880. Donnée à la princesse Mathilde, qui l’offre elle-même à son frère le prince Napoléon, la toile est acquise par l’État français sous réserve d’usufruit en 1979.
Karine Huguenaud, septembre 2006
=> télécharger le tableau et le voir en zoomant sur le site de la National Gallery of Art de Washington
► Le point de vue de… Peter Hicks, historien, chargé des relations internationales à la Fondation Napoléon : « La propagande spontanée de Jacques-Louis David » (sept. 2016)
Nous connaissons tous le portrait de David figurant l’Empereur, ce travailleur insatiable, debout devant son bureau à 4h du matin. Mais savons-nous l’interpréter ? Est-ce de la propagande politique émanant du régime lui-même ? Oui… et non. Ce tableau était une commande du très fortuné Alexandre, 10e duc de Hamilton. Bien que membre du Parlement et un temps diplomate pour LE pays en guerre (totale) avec la France, ce noble écossais, whig, était un grand admirateur de Napoléon.
Paradoxal et vaniteux, il se considérait comme l’héritier légitime du trône écossais ; non sans raison, compte tenu de l’ancienneté de la famille Hamilton et de ses liens avec Marie Stuart. En demandant à David, en 1811, de mettre en scène Napoléon « dans un des événements qui l’ont immortalisé », sans doute Hamilton voulait-il une scène de bataille. Mais David, se sentant éloigné par l’Empereur, produisit tout autre chose, une composition qui reflétait son désir de revenir dans les bonnes grâces de son souverain.
Le peintre (régicide en 1793) semble présenter un Napoléon contemporain mais, en fait, il le transpose subtilement en 1804, du temps où le Consul-Empereur, plus républicain, vient de promulguer le Code civil, visible dans le tableau. Les vies parallèles sous le bureau rappellent l’ancien « héros à la Plutarque ». Lorsque le monarque absolu de la quatrième dynastie de France voit cette représentation d’un monarque républicain bourreau de travail nocturne, il est ravi et commande une copie.
Napoléon dans son cabinet de travail aux Tuileries est ainsi la forme la plus parfaite de la propagande : elle n’est pas commandée, mais spontanément proposée par l’artiste. David donne à Napoléon ce qu’il pense que Napoléon veut. Avant de l’envoyer en Écosse, il expose publiquement la peinture dans son atelier où elle connaît un grand succès public : la leçon a été apprise. Napoléon n’a même plus à dicter le message, comme il avait eu à le faire avec d’autres œuvres, par exemple Napoléon sur le champ de bataille d’Eylau de Gros.
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