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ô rage ô désespoir ô vieillesse ennemie

Monologue de Don Diègue, dans le Cid de Corneille (Acte I, scène 4)

Don Diègue
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras, qu’avec respect toute l’Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d’où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur :
Ce haut rang n’admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne,
Malgré le choix du roi, m’en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d’un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M’as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.

Lien vers le Cid de Pierre Corneille sur Libre Théâtre (texte intégral)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8436987s

 

Le Cid- Corneille

Vous est-il déjà arrivé, lors d’une conversation entre amis, de déclamer une tirade,brillamment bien entendu, ou de citer un vers ? Comme par exemple : « Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?» ou « Couvrez ce sein que je ne saurais voir» ou encore « Tu seras un homme, mon fils ». Mais que savez-vous exactement de ces petites phrases devenues expressions toutes faites ? C’est ce que je vous propose de redécouvrir .

Aujourd’hui parlons de ce cher Don Diègue :

DON DIÈGUE
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu’avec respect tout l’Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d’où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n’admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi, m’en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d’un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M’as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le derniers des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleurs mains.

C’est le célèbre monologue du Cid de Corneille ( Acte I, scène 4) dans lequel Don Diègue, le père de Rodrigue, se lamente sur son propre sort. Ayant subi un violent affront de la part de Don Gomès, le père de Chimène, Don Diègue sent avec désespoir le poids des ans qui l’empêche de se faire justice par lui-même. Il est obligé de faire appel à la fine lame qu’est devenu son fils.

Mais commençons par un petit rappel : Don Diègue et le comte de Gomès projettent d’unir leurs enfants Rodrigue et Chimène, qui s’aiment. Mais le comte, jaloux de se voir préférer le vieux don Diègue pour le poste de précepteur du prince, offense ce dernier en lui donnant une gifle (un « soufflet » dans le langage de l’époque). Don Diègue, trop vieux pour se venger par lui-même, remet sa vengeance entre les mains de son fils Rodrigue qui, déchiré entre son amour et son devoir, finit par écouter la voix du sang et tue le père de Chimène en duel. Chimène essaie de renier son amour et le cache au roi, à qui elle demande la tête de Rodrigue. Mais l’attaque du royaume par les Maures donne à Rodrigue l’occasion de prouver sa valeur et d’obtenir le pardon du roi. Plus que jamais amoureuse de Rodrigue devenu un héros national, Chimène reste sur sa position et obtient du roi un duel entre Don Sanche, qui l’aime aussi, et Rodrigue. Elle promet d’épouser le vainqueur. Rodrigue victorieux reçoit du roi la main de Chimène : le mariage sera célébré l’année suivante.

La pièce, dont la première représentation eut lieu le 5 janvier 1637 au théâtre du Marais, reçut un succès retentissant auprès du public mais pas autant chez les confrères ( jaloux?) de son auteur.

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La « Querelle du Cid » est née.

Menons une petit enquête sur ces lettrés chamailleurs du 17ème.

Les protagonistes :

Pierre de Corneille : dramaturge et poète ( 1606-1684) Pierre_Corneille

Cardinal de Richelieu (1585-1642) et l’Académie française : Principal ministre du roi Louis XIII. Il crée L’Académie Française en 1635 dont l’objectif est de fixer la langue française. Beaucoup pensent alors qu’il ne cherche qu’à consolider le pouvoir royal en contrôlant les différents arts dont les Lettres. La querelle du Cid sera la première affaire sur laquelle L’Académie devra délibérer non sans quelques pressions de Richelieu.

Cardinal_de_Richelieu

Georges de Scudery (1601-1667): Romancier et dramaturge. Il fit ses débuts au théâtre la même année que Corneille (1629) et restera son plus grand rival. En effet, à l’époque, la qualité d’une pièce dépendait du respect des règles du théâtre et non pas du succès auprès du public. Scudéry était, à ce titre, plus rigoureux que Corneille, ce qui déclenchera quelques années plus tard la « Querelle du Cid ».

Georges_Scudery

Jean Chapelain(1695-1674) : Poète et critique littéraire, il fut chargé dès la fondation de l’Académie de dresser le plan du Dictionnaire et de la Grammaire de l’Académie et de rédiger la critique du Cid .

Jean_Chapelain

Qu’est-il reproché à cette pièce ?

De ne pas respecter la Règle des 3 unités, héritage de la « Poétique » d’Aristote et du théâtre Antique : l’unité d’action, de lieu et de temps ( 24h). La pièce se déroule dans trois endroits différents : la place publique, le palais du roi et la maison de Chimène. Corneille a donc dévié de la règle qui préconise le choix d’un lieu unique.
L’amour menacé de Rodrigue et Chimène constitue presque tout le sujet de la pièce. Cependant, la « tragédie de l’infante » est une intrigue secondaire venant se greffer, sans nécessité absolue, sur l’intrigue principale. L’unité d’action n’est pas donc respectée non plus.

De ne pas avoir respecté la règle de bienséance. La pièce est obligée de respecter les conventions, l’esthétique et la morale de cette époque : Une femme respectable ne peut se marier avec le meurtrier de son père.

D’avoir mis en scène des personnages et des lieux espagnols, alors que la France est en guerre contre L’Espagne. Et de ne pas avoir puisé son inspiration dans un sujet Antique.

De plagiat : Corneille s’est inspiré de Las Mocedades del Cid de Guilhem de Castro (1618). Il ne serait donc qu’un vulgaire traducteur.

De ne pas avoir respecté la règle, de grammaire cette fois, des 24h introduite par H. Estienne ( grammairien du XVIème siècle) : le passé composé doit évoquer des événements récents ( moins de 24h), le passé simple des faits plus éloignés : «  J’écrivis, je fis, j’allai, je dînai (…) ne se dit proprement que d’un temps qui soit au moins éloigné d’un jour de celui auquel nous parlons. » Cette règle n’a pas été appliquée dans le récit du combat du Cid contre les Maures ( acte IV, scène 3) ( Grammaire méthodique du français, M. Riegel, J.C Pellat, R.Rioul, PUF édition)

De ne pas séparer les genres, tragique et comique.
La tragédie met en scène des personnages éminents, connaît un déroulement tendu et s’achève le plus souvent par une fin malheureuse. La comédie met en scène des gens de petites condition, connaît un déroulement sans tension et se termine par un happy end. La tragi-comédie de Corneille est un genre intermédiaire à l’action tendue et à la fin heureuse.

Les passions se déchaînent. Les libelles, pamphlets et autres tracts, souvent anonymes, se multiplient. Scudery attaque avec ses « Observations sur Le Cid »:
« […] je prétends donc prouver contre cette pièce du Cid.Que le sujet n’en vaut rien du tout,Qu’il choque les principales règles du poème dramatique,Qu’il manque de jugement en sa conduite,Qu’il a beaucoup de méchants vers,Que presque tout ce qu’il a de beautés sont dérobées,Et qu’ainsi l’estime qu’on en fait est injuste. »

Il en appelle à la toute nouvelle Académie française. Corneille et ses partisans ripostent :
Jean-Louis Guez de Balzac : Lettre à Georges de Scudéry
Ce n’est pas pourtant à moi à connaître du différend qui est entre vous et Monsieur
Corneille, et à mon ordinaire je doute plus volontiers que je ne résous. Bien vous dirai-je
qu’il me semble que vous l’attaquez avec force et adresse, et qu’il y a du bon sens, de
la subtilité, et de la galanterie [de l’élégance] même en la plupart des objections que
vous lui faites. Considérez néanmoins, Monsieur, que toute la France entre en cause
avec lui, et que peut-être il n’y a pas un des juges dont vous êtes convenu ensemble, qui
n’ait loué ce que vous désirez qu’il condamne. De sorte que quand vos arguments seraient
invincibles, et que votre adversaire y acquiescerait, il aurait toujours de quoi se
consoler glorieusement de la perte de son procès, et vous pourrait dire que c’est
quelque chose de plus d’avoir satisfait tout un royaume, que d’avoir fait une pièce régulière.

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Mais l’arrogance du dramaturge le dessert : « Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée, Et pense toute fois n’avoir point de rival À qui je fasse tort en le traitant d’égal ».

Et le conflit s’éternise. Le sujet est peut-être même discuté dans le salon littéraire de l’Hôtel de Rambouillet, lors duquel ont pu se croiser Georges de Scudery et sa sœur Madeleine, Chapelain, Conrart ( premier secrétaire perpétuel de l’Académie), Pelisson ( auteur de l’ « Histoire de l’Académie françoise »,1653) et autres nouveaux académiciens.
Finalement, l’Académie met fin à ce conflit en décembre 1637(peut-être sous la pression de Richelieu lui-même qui n’apprécie plus le ton insultant de certains pamphlets) et condamne la pièce dans «  Les sentiments de l’Académie sur la tragi-comédie du Cid », écrit par Chapelain, donnant ainsi raison à ses détracteurs et rivaux. Corneille ne reviendra au théâtre que 3 ans plus tard avec Horace.

Que retenir de cet événement littéraire ?
D’abord, ce fut le début de la reconnaissance de la voie du public, qui, ne connaissant pas forcément les règles du théâtre, ne considère que le plaisir pris pendant la pièce. C’est donc un tournant dans l’histoire de la critique littéraire française.
Cette Querelle annonce aussi le courant littéraire appelé classicisme prônant l’ordre et la rigueur, le culte de la raison, où le respect de règles strictes est à la base de toutes créations. Ces règles seront codifiées par Boileau dans son « Art de la poétique » en 1664.

Ce même Boileau qui, plus tard, résumera bien cet événement littéraire majeur du 17ème :

« En vain contre le Cid un ministre se ligue,
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.
L’Académie en corps a beau censurer
Le public révolté s’obstine à l’aimer »

Même si aujourd’hui peu de ses œuvres sont connues ( Pouvez-vous me citer quelques unes de ses 32 pièces ou de ses traductions?), Corneille a laissé sa marque dans notre langue dans l’expression « dilemme cornélien », désignant un choix qui oppose la raison et les sentiments, ou l’honneur et ces derniers. C’est une référence aux héros de Corneille dont Rodrigue qui pour laver l’honneur de son père doit se battre contre le père de sa promise Chimène. Elle même devant demander sa tête au roi malgré ses sentiments. Pas facile comme choix : Tradition ou bonheur individuel ?

D’autres vers du Cid sont passés à la postérité. A vous de les retrouver dans les deux textes suivant!

Bonne lecture !

Acte IV , Scène 3 Les félicitations de Rodrigue : Le roi félicite Rodrigue en le nommant« Cid » et lui demande de lui raconter la bataille. Les Maures ont pensé surprendre leurs ennemis et sont tombés dans leur piège. La bataille a été sanglante mais la victoire éclatante : deux rois ont été capturés.
Don Rodrigue

Sous moi donc cette troupe s’avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !
J’en cache les deux tiers, aussitôt qu’arrivés,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ;
Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure,
Brûlant d’impatience, autour de moi demeure,
Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit
Passe une bonne part d’une si belle nuit.
Par mon commandement la garde en fait de même,
Et se tenant cachée, aide à mon stratagème ;
Et je feins hardiment d’avoir reçu de vous
L’ordre qu’on me voit suivre et que je donne à tous.
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ;
L’onde s’enfle dessous, et d’un commun effort
Les Maures et la mer montent jusques au port.
On les laisse passer ; tout leur parait tranquille ;
Point de soldats au port, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n’osent plus douter de nous avoir surpris ;
Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent ;
Ils paraissent armés, les Maures se confondent,
L’épouvante les prend à demi descendus ;
Avant que de combattre ils s’estiment perdus.
Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre ;
Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
Avant qu’aucun résiste ou reprenne son rang.
Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient,
Leur courage renaît, et leurs terreurs s’oublient :
La honte de mourir sans avoir combattu
Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges ;
De notre sang au leur font d’horribles mélanges.
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort.
Ô combien d’actions, combien d’exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des grands coups qu’il donnait,
Ne pouvait discerner où le sort inclinait !
J’allais de tous côtés encourager les nôtres,
Faire avancer les uns et soutenir les autres,
Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour,
Et ne l’ai pu savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montre notre avantage ;
Le Maure voit sa perte, et perd soudain courage :
Et voyant un renfort qui nous vient secourir,
L’ardeur de vaincre cède à la peur de mourir.
Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les chables,
Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans considérer
Si leurs rois avec eux peuvent se retirer.
Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte ;
Le flux les apporta, le reflux les remporte ;
Cependant que leurs rois, engagés parmi nous,
Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups,
Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
À se rendre moi-même en vain je les convie :
Le cimeterre au poing ils ne m’écoutent pas ;
Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent,
Ils demandent le chef ; je me nomme, ils se rendent.
Je vous les envoyai tous deux en même temps ;
Et le combat cessa faute de combattants.
C’est de cette façon que pour votre service…

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Acte II , Scène 2 : Rodrigue va parler au comte des vertus de son père. Mais ils se menacent l’un l’autre
Don Rodrigue
À moi, comte, deux mots.
Le Comte
Parle.
Don Rodrigue
Ôte-moi d’un doute.
Connais-tu bien Don Diègue ?
Le Comte
Oui.
Don Rodrigue
Parlons bas ; écoute.
Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu,
La vaillance et l’honneur de son temps ? le sais-tu ?
Le Comte
Peut-être.
Don Rodrigue
Cette ardeur que dans les yeux je porte,
Sais-tu que c’est son sang ? le sais-tu ?
Le Comte
Que m’importe ?
Don Rodrigue
À quatre pas d’ici je te le fais savoir.
Le Comte
Jeune présomptueux !
Don Rodrigue
Parle sans t’émouvoir.
Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n’attend point le nombre des années.
Le Comte
Te mesurer à moi ! qui t’a rendu si vain,
Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main !
Don Rodrigue
Mes pareils à deux fois ne se font point connaître,
Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître.
Le Comte
Sais-tu bien qui je suis ?
Don Rodrigue
Oui ; tout autre que moi
Au seul bruit de ton nom pourrait trembler d’effroi.
Les palmes dont je vois ta tête si couverte
Semblent porter écrit le destin de ma perte.
J’attaque en téméraire un bras toujours vainqueur,
Mais j’aurai trop de force, ayant trop de cœur.
À qui venge son père il n’est rien d’impossible.
Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.
Le Comte
Ce grand cœur qui paraît aux discours que tu tiens
Par tes yeux, chaque jour, se découvrait aux miens ;
Et croyant voir en toi l’honneur de la Castille,
Mon âme avec plaisir te destinait ma fille.
Je sais ta passion, et suis ravi de voir
Que tous ses mouvements cèdent à ton devoir ;
Qu’ils n’ont point affaibli cette ardeur magnanime ;
Que ta haute vertu répond à mon estime ;
Et que, voulant pour gendre un cavalier parfait,
Je ne me trompais point au choix que j’avais fait.
Mais je sens que pour toi ma pitié s’intéresse ;
J’admire ton courage, et je plains ta jeunesse.
Ne cherche point à faire un coup d’essai fatal ;
Dispense ma valeur d’un combat inégal ;
Trop peu d’honneur pour moi suivrait cette victoire :
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
On te croirait toujours abattu sans effort ;
Et j’aurais seulement le regret de ta mort.
Don Rodrigue
D’une indigne pitié ton audace est suivie :
Qui m’ose ôter l’honneur craint de m’ôter la vie !
Le Comte
Retire-toi d’ici.
Don Rodrigue
Marchons sans discourir.
Le Comte
Es-tu si las de vivre ?
Don Rodrigue
As-tu peur de mourir ?
Le Comte
Viens, fais ton devoir, et le fils dégénère
Qui survit un moment à l’honneur de son père.

Alexa. S

Pour aller plus loin :

http://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2002-1-page-12.htm

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5774643p/f348.tableDesMatieres

http://homes.chass.utoronto.ca/~wulfric/academie/scud_cid.htm

http://www.romanistik.uni-freiburg.de/reiser/psf_querelle_cid.pdf

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