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Obsèques claude-nicolas veil

PHOTOS – Retour sur la disparition tragique d’un des trois fils de Simone Veil, qui, aux côtés de son époux Antoine Veil, entre ce 1er juillet 2018 au Panthéon.

Simone Veil et son mari Antoine Veil vont entrer au Panthéon lors d’un hommage national ce 1er juillet 2018. L’ancienne ministre de la Santé, icône de la lutte pour les droits des femmes, a eu trois fils. Simone Jacob, son nom de jeune fille, avait rencontré son futur époux, Antoine Veil en février 1946. Elle revenait de déportation avec sa sœur Madeleine, après avoir perdu ses parents, André et Yvonne ainsi que son frère Jean, morts dans les camps de concentration.

Au fil de leur longue histoire d’amour, Simone et Antoine Veil donneront le jour à trois enfants, autant de fils. L’aîné, Jean, est né en 1947 alors que Simone Veil avait 20 ans et étudiait à Sciences-Po. Le cadet, Claude-Nicolas est quant à lui né en 1948 tandis que le benjamin, Pierre-François, a vu le jour en 1954. Jean et Pierre-François sont devenus avocats d’affaires, Jean Veil assurant aussi parfois la défense de personnalités connues comme Kim Kardashian. Claude-Nicolas, grand amateur d’art comme sa mère, avait pour sa part choisi de devenir médecin.

En 2002, Simone et Antoine Veil ont la douleur de perdre leur fils cadet. Claude-Nicolas, bien qu’âgé de seulement 54 ans, est terrassé par une crise cardiaque. Alors qu’on porte en terre son fils, Simone Veil, écrasée de chagrin, et pourtant peu encline à se plaindre, prononce alors une terrible phrase : « J’ai commencé ma vie dans l’horreur, je la termine dans le désespoir.« 

Simone Veil continuera malgré tout à déjeuner deux fois par semaine avec chacun de ses fils survivants, parfois toute la famille ensemble. En 2013, son époux Antoine Veil disparaît à son tour à l’âge de 86 ans et après 67 années d’amour avec elle. Simone Veil ne fera plus alors d’apparition publique jusqu’à sa propre disparition fin juin 2017.

Diaporama réalisé par Sandric Vasseur.

Pierre-François Veil l’affirme aussi : « Cet hommage est ton ultime victoire sur les camps de la mort ». « Tu es devenue la mère de tant et tant de Français qui t’ont adoptée en tant que seconde mère », confie ensuite le benjamin des trois fils de Simone Veil. Une fratrie ébranlée par la disparition de Claude-Nicolas en 2002. Simone Veil disait alors : « J’ai commencé ma vie dans l’horreur, je la termine dans le désespoir ». Pierre-François s’adresse alors à tous ceux qui leur ont adressé des messages de soutien, comme des « rayons de soleil ». Et livre une confidence bouleversante, le dernier mot de Simone Veil avant de s’éteindre, « prononcé faiblement mais si distinctement, avant de retrouver papa pour toujours : merci ».

Alors que Simone Veil est entrée au Panthéon ce 1er juillet, ses fils ont accepté de parler avec nous de cet héritage exceptionnel.

Ce n’est pas seulement une vie. C’est un destin. Simone Veil est une femme française, mariée à Antoine Veil durant soixante-sept ans, une mère de trois enfants, une féministe ardente, une femme politique exigeante, une Européenne convaincue. Elle est entrée au Panthéon, avec son époux, ce dimanche 1er juillet, ainsi que l’avait annoncé le président de la République lors de ses funérailles nationales aux Invalides il y a un an.

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Un ultime honneur pour cette combattante infatigable, rescapée de la Shoah, magistrate à ses débuts dans l’administration pénitentiaire où elle travaille à l’amélioration des conditions de détention, ministre de la Santé sous les gouvernements de Jacques Chirac et de Raymond Barre, auteur bien sûr du projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) adopté le 17 janvier 1975 sous le nom de loi Veil, première femme à présider de 1979 à 1982 le Parlement européen, membre du Conseil constitutionnel de 1998 à 2007, élue à l’Académie française en 2008, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah de 2001 à 2007.

Sur son épée d’Immortelle, qu’elle reçut le 16 mars 2010 des mains de Jacques Chirac, figure le numéro 78651 qui lui avait été tatoué sur le bras à Auschwitz ; ainsi que la devise de la République française, Liberté, Égalité, Fraternité, et celle de l’Europe, Unie dans la diversité. Simone Veil s’est éteinte le 30 juin 2017, à l’âge de 89 ans. Ses fils Jean et Pierre-François parlent d’elle avec une tendresse infinie.

En vidéo, la bande-annonce du documentaire « Simone Veil, albums de famille »

Madame Figaro. – Votre mère, Simone Veil, entrera au Panthéon le 1er juillet, où elle reposera avec votre père, son époux. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Pierre-François Veil.
Un immense honneur. Mais aussi un second arrachement. Désormais, nous devons partager notre mère. Et puis, le Panthéon et sa crypte n’incitent guère à la conversation intime.

Jean Veil. – À mesure que ce moment approche, je réalise à quel point cet événement n’a rien d’évident à vivre. Lorsque le président de la République nous a interrogés, nous avons souligné que notre mère n’avait jamais évoqué une telle éventualité, mais qu’en revanche notre père nous avait dit qu’il pensaitqu’un tel événement pourrait se produire et qu’il ne souhaitait pas être séparé de maman après soixante-sept années de mariage.

Pourtant il n’était pas incongru qu’elle aille y retrouver ses camarades Geneviève de Gaulle, Germaine Tillion
P.-F. V.
– Ce n’étaient pas ses « camarades ». Ses camarades étaient celles qui, comme elles, avaient été déportées à Auschwitz parce qu’elles étaient juives. Maman n’a pas été déportée en tant que résistante, contrairement à sa sœur Denise Vernay, membre du réseau Franc-Tireur, qui s’est retrouvée à Ravensbrück avec Germaine Tillion – dont elle a été par la suite la secrétaire -, Geneviève de Gaulle ou Anise Postel-Vinay. Maman a été déportée en tant que juive. Son parcours n’a rien à voir avec celui des déportées politiques. Ses camarades sont notamment Marceline Loridan-Ivens ou Paul Schaffer. Marceline et elle ont été arrêtées en 1944 pour les mêmes raisons raciales, elles se sont retrouvées dans le même convoi 71 et elles ont lutté ensemble pour leur survie. Les résistants sont des acteurs de la libération de la France. Quand ils rentrent en France, ce sont des héros. La figure emblématique de ce parcours héroïque est Jean Moulin, entré au Panthéon en 1964. Les déportés raciaux, eux, ne se sont pas engagés dans un combat pour la liberté de la France. Ils appartenaient à des groupes d’hommes, de femmes, de bébés, d’enfants, de vieillards, dont 95 %, en arrivant à Auschwitz, furent passés par la cheminée dans les vingt-quatre heures. Ceux qui en reviennent ont pour la plupart perdu toute leur famille, ils ne sont pas fêtés. Les Français ne sont pas fiers de ce qu’a fait le régime de Vichy.

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J. V. – Cela n’exclut pas que ces femmes que l’on vient d’évoquer se sont côtoyées après la guerre et ont pu tisser des liens forts. Mais elles ne sont pas « camarades » de déportation.

Pierre-François Veil

Photo Frédéric Stucin

À quel moment avez-vous découvert, tatoué sur le bras de votre mère, le matricule 78651 ?
J. V. –
Elle ne le cachait pas. L’hiver, elle portait des manches longues. L’été, des maillots de bain et des robes à manches courtes. Elle ne se baignait pas en imperméable.

P.-F. V. – Il y avait quand même un sujet tabou : parler de son frère Jean, mort en déportation, était impossible. Vous avez lu Un secret, de Philippe Grimbert ? C’était la même chose. C’était un nom que tacitement nous ne prononcions pas.

Comment votre mère vous a-t-elle transmis ce passé indicible ?
J. V.
Nous avons toujours vécu dans un univers qui nous rappelait cette histoire. Nous ne pouvions pas, par exemple, ne pas constater que maman n’avait plus de parents, contrairement à notre père. Nous n’avions donc pas de grands-parents maternels.

Comment était-elle avec vous lorsque vous étiez enfants ?
J. V. –
Aimante, attentive, bienveillante, très belle et très jeune. C’était toujours ce que nous disaient les copains qui venaient à la maison. Je n’avais que vingt ans de différence avec mes parents, qui se sont connus pendant leurs études à Sciences Po. Quand je suis né, nous avions quarante ans à nous trois, comme le disait notre père. Moi, j’ai eu la chance de profiter un peu d’une mère à la maison. Mon frère Nicolas est né un an plus tard.

P.-F. V. Nos parents ont toujours été plus jeunes que ceux de nos copains. Notre mère travaillait. À l’époque, ce n’était pas courant. Elle était très avenante, très accueillante, attentive à nos amis. De sorte que les amis aimaient bien venir chez nous. Il y avait toujours du monde.

Notre pèrenous faisait rire. Notre mère régnait et rayonnait

Pierre-François Veil

Quelle était sa plus grande qualité de mère ?
J. V.
Son bon sens et sa capacité à nous faire confiance. Je me souviens qu’un jour – je devais avoir 11 ou 12 ans – je lui avais demandé de nous emmener au Salon de l’enfance le jeudi suivant. Elle travaillait et ne pouvait pas nous y accompagner. Elle m’a dit : « C’est un endroit où l’on se perd. Le mieux pour ne pas vous perdre c’est que vous y alliez seuls. » C’est ce que nous avons fait.

P.-F. V. – Elle nous a donné le sens des responsabilités et de l’organisation. Cela ne l’empêchait pas de nous aimer, de nous le montrer et de nous gratifier de câlins le week-end ou pendant les vacances que nous passions en famille.

Votre mère était une grande féministe. Et, lorsqu’elle émet le désir de devenir avocate, votre père s’y oppose…
J. V.
Pour lui, comme pour beaucoup de gens à l’époque, tous les avocats étaient les complices de leurs clients et les aidaient à enfreindre la loi. Il a fallu que nous devenions avocats vingt ans plus tard pour qu’il sorte de ces a priori.

Pourquoi votre mère accepte-t-elle alors ?
J. V.
– Elle aimait son mari. Elle le respectait. Elle n’allait pas divorcer pour cette raison. Alors ils ont négocié. Elle a choisi la magistrature.

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Dans le documentaire diffusé par France 3, on la voit en train de servir le thé…
P.-F. V.
C’était en 1974, à Cambremer, dans leur maison de campagne. Elle était ministre et il y avait des invités. Maman faisait très naturellement le service des boissons… Notre mère était féministe, mais notre père ne savait pas où se trouvait la cuisine. Elle ne voyait pas le problème. Elle portait ses tailleurs impeccables en toutes circonstances comme ministre, comme députée européenne, comme épouse.

J. V. – Et surtout, elle était mère de famille.

Quand elle vous emmène à Auschwitz, en 2004, elle est aussi une mère de famille ?
J. V. –
Bien sûr. Elle a toujours voulu transmettre ce qu’elle a vécu. Elle a voulu montrer et expliquer à ses enfants et petits-enfants pour qu’ils comprennent. Elle a voulu nous rassembler dans ce voyage collectif.

Jean Veil

Photo Frédéric Stucin

Comme lors des grandes tablées du samedi ?
J. V. –
C’est juste. Tous les samedis, c’était table ouverte dans l’appartement parisien de la place Vauban. Et tout le monde venait.

Tout le monde venait ? Tous les samedis ? Quelle autorité !
J. V.
-Tout le monde avait envie de venir. Les discussions étaient intéressantes et passionnées. Nous étions nombreux. J’ai six enfants, Pierre-François, quatre, et Nicolas (1), deux. Le tour de piste commençait par le bilan de la semaine. Notre père s’inquiétait de la scolarité des uns et des autres, certains fanfaronnaient, d’autres piquaient du nez dans leur assiette. C’était drôle et sympathique.

P.-F. V. – Nos parents parlaient librement de tout devant nous, y compris de politique, et racontaient leur semaine. Ils nous faisaient part de leur admiration mais aussi de leurs critiques à l’égard des uns et des autres. Notre père nous faisait rire. Notre mère régnait et rayonnait.

Et comment vos épouses trouvaient-elles leur place ?
J. V.
– Maman aimait ses belles-filles. Elle les défendait toujours. Elle n’a eu que des garçons.

P.-F. V. – Ces rituels peuvent surprendre, mais je pense que les déjeuners où tout le monde se retrouve existent dans beaucoup de familles.

J. V. – Cela étonne du fait de la récurrence hebdomadaire. Nous sommes une famille clanique.

Votre fratrie semble indestructible. Vous dites que vous ne pouvez rien faire sans en parler à l’autre…
P.-F. V.
Quand Nicolas était vivant, nous déjeunions ensemble, les trois garçons, le lundi après avoir déjeuné en famille le samedi et, là, nous débriefions… sans nos épouses.

Que pensait Simone Veil de l’état du monde dans les dernières années de sa vie ?
J. V.
Elle était inquiète de la montée de l’antisémitisme. Elle trouvait que l’Europe patinait et que la lutte pour l’égalité hommes-femmes n’allait pas assez vite. Mais, en revanche, elle ne supportait pas la féminisation des titres et des métiers. Elle ne voyait pas pourquoi une femme plombier devait devenir une plombière, le nom d’une glace avec des fruits confits.

(1) Claude-Nicolas Veil, leur frère, est mort d’une crise cardiaque en 2002, à 54 ans.

* Album de famille, documentaire d’Hugues Nancy, diffusé sur France 3, le mercredi 27 juin à 20 h 55.

Simone Veil, un destin hors normes

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