Dans l’Antiquité, le misthos (en grec ancien μισθός / misthós, littéralement « gages, paie ») était une compensation monétaire journalière accordée à Athènes aux citoyens les plus pauvres qui occupaient une fonction publique, comme être membre de la Boulè (μισθὸς βουλευτικός / misthos bouleutikos), de l’Héliée (μισθὸς ἡλιαστικός / misthos heliastikos) ou de l’Ecclésia (μισθὸς ἐκκλησιαστικός / misthos ekklèsiastikos). Celui-ci avait pour but de permettre aux personnes les plus pauvres de pouvoir participer à la vie politique d’Athènes, il a été créé par Périclès. C’est une institution originale de la cité d’Athènes qui était la cité la plus puissante de la Grèce antique, qui ne semble pas avoir existé ailleurs dans le monde grec antique.
Créée pour encourager la participation à la vie publique, cette mesure, appelée misthophorie, permet aux citoyens de condition modeste de prétendre aux charges publiques. Cette rétribution est instituée par Périclès[1], probablement entre 450 et 429 av. J.-C., pour les jurés des tribunaux populaires qui perçoivent un misthos de 2 oboles. Hermann Bengtson recule cette mesure pour les juges aux premières années de la Guerre archidamique (431 – 421)[2]. G. W. Bowersock la situe dans les années 445 – 441 av. J.-C.[3].
D’après Aristote, Périclès entendait contrebalancer la popularité de son rival politique Cimon, à qui sa fortune personnelle permettait d’être très généreux avec le peuple[4],[5],[6]. Si l’on peut voir dans les pratiques de Cimon la volonté de perpétuer d’anciennes habitudes issues du clientélisme propre à l’aristocratie, la démarche de Périclès vise à transférer dans le cadre public les dépendances privées, pour affranchir les citoyens des liens qui les rattachent aux plus riches.
À en croire Aristophane, le misthos héliastikos payé aux juges faisant partie de l’Héliée pouvait suffire pour vivre, puisqu’ils s’occupaient à cette activité 300 jours par an. D’après l’historienne française Claude Mossé, cette affirmation de l’auteur comique athénien constitue une exagération[7].
À l’origine, le misthos s’élève à deux oboles par jour, soit le tiers d’un salaire journalier moyen. Il est financé par le tribut des membres de la Ligue de Délos. Sous Cléon, le misthos passe à 3 oboles. L’institution est abrogée en 411 av. J.-C. à la suite de la Première Révolution oligarchique, en raison de la situation très mauvaise dans laquelle se trouve Athènes à cause de la guerre du Péloponnèse.
L’institution de la mistophorie est l’un des aspects les plus importants de l’œuvre de Périclès en matière constitutionnelle, permettant aux plus pauvres des citadins de participer à la vie publique de la ville, voire d’accéder à certaines magistratures. Cependant, la majorité des auteurs antiques se montrent critiques envers cette mesure de l’homme d’État athénien[8].
La mistophorie s’est étendue à d’autres activités différentes des activités judiciaires. Les bouleutes recevaient un misthos dont on ignore le montant exact au Ve siècle av. J.-C. mais au IVe siècle av. J.-C. le « misthos bouleutikos » est de cinq oboles. Les prytanes reçoivent une drachme. Par la suite, un misthos est institué pour le reste de magistratures, excepté peut-être pour les stratèges, recrutés dans la classe censitaire des pentacosiomédimnes. Les archontes reçoivent quatre oboles et il est probable que ce misthos ait été institué entre 459 et 450 av. J.-C., quand a été admis l’accès des zeugites à l’archontat. En revanche, il ne semble pas que les aréopagites aient reçu de rétribution, ce qui éclaire sur le caractère presque uniquement honorifique de leur fonction.
On appelle également « misthos » la solde des marins et des hoplites athéniens.
Notes et références
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- Mossé, Claude (2008). Les institutions grecques à l’époque classique. París: Armand Colin.
p. 37–38
. (ISBN
978-2-200-35430-5
).
- A. et F. Queyrel, Lexique d’histoire et de civilisation grecque, Ellipses, 1996.
Matthieu 5.12
Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse , parce que votre récompense (misthos) sera grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.
Matthieu 5.46
Si vous aimez ceux qui vous aiment , quelle récompense (misthos) méritez-vous ? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ?
Matthieu 6.1
Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus ; autrement, vous n’aurez point de récompense (misthos) auprès de votre Père qui est dans les cieux.
Matthieu 6.2
Lors donc que tu fais l’aumône, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d’être glorifiés par les hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense (misthos).
Matthieu 6.5
Lorsque vous priez , ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense (misthos).
Matthieu 6.16
Lorsque vous jeûnez , ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites, qui se rendent le visage tout défait , pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent . Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense (misthos).
Matthieu 10.41
Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète recevra une récompense (misthos) de prophète, et celui qui reçoit un juste en qualité de juste recevra une récompense (misthos) de juste.
Matthieu 10.42
Et quiconque donnera seulement un verre d’eau froide à l’un de ces petits parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense (misthos).
Matthieu 20.8
Quand le soir fut venu , le maître de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers, et paie -leur le salaire (misthos), en allant des derniers aux premiers.
Marc 9.41
Et quiconque vous donnera à boire un verre d’eau en mon nom, parce que vous appartenez à Christ, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense (misthos).
Luc 6.23
Réjouissez-vous en ce jour -là et tressaillez d’allégresse , parce que votre récompense (misthos) sera grande dans le ciel ; car c’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes.
Luc 6.35
Mais aimez vos ennemis, faites du bien , et prêtez sans rien espérer . Et votre récompense (misthos) sera grande, et vous serez fils du Très-Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants.
Luc 10.7
Demeurez dans cette maison -là, mangeant et buvant ce qu’on vous donnera ; car l’ouvrier mérite son salaire (misthos).N’allez pas de maison en maison.
Jean 4.36
Celui qui moissonne reçoit un salaire (misthos), et amasse des fruits pour la vie éternelle, afin que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble.
Actes 1.18
Cet homme, ayant acquis un champ avec le salaire (misthos) du crime, est tombé , s’est rompu par le milieu du corps, et toutes ses entrailles se sont répandues .
Romains 4.4
Or, à celui qui fait une œuvre (misthos), le salaire est imputé , non comme une grâce , mais comme une chose due ;
1 Corinthiens 3.8
Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux, et chacun recevra sa propre récompense (misthos) selon son propre travail.
1 Corinthiens 3.14
Si l’œuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement subsiste , il recevra une récompense (misthos).
1 Corinthiens 9.17
Si je le fais de bon cœur, j’en ai la récompense (misthos) ; mais si je le fais malgré moi, c’est une charge qui m’est confiée .
1 Corinthiens 9.18
Quelle est donc ma récompense (misthos)? C’est d ’offrir gratuitement l’Évangile que j’annonce, sans user de mon droit de prédicateur de l’Évangile .
1 Timothée 5.18
Car l’Ecriture dit : Tu n’emmuselleras point le bœuf quand il foule le grain . Et l’ouvrier mérite son salaire (misthos).
Jacques 5.4
Voici , le salaire (misthos) des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés , crie , et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu’aux oreilles du Seigneur des armées.
2 Pierre 2.13
recevant ainsi le salaire (misthos) de leur iniquité. Ils trouvent leurs délices à se livrer au plaisir en plein jour ; hommes tarés et souillés, ils se délectent dans leurs tromperies, en faisant bonne chère avec vous.
2 Pierre 2.15
Après avoir quitté le droit chemin, ils se sont égarés en suivant la voie de Balaam, fils de Bosor, qui aima le salaire (misthos) de l’iniquité,
2 Jean 1.8
Prenez garde à vous-mêmes, afin que vous ne perdiez pas le fruit de votre travail , mais que vous receviez une pleine récompense (misthos).
Jude 1.11
Malheur à eux ! car ils ont suivi la voie de Caïn, ils se sont jetés pour un salaire (misthos) dans l’égarement de Balaam, ils se sont perdus par la révolte de Coré.
Apocalypse 11.18
Les nations se sont irritées ; et ta colère est venue , et le temps est venu de juger les morts, de récompenser (misthos) tes serviteurs les prophètes, les saints et ceux qui craignent ton nom, les petits et les grands, et de détruire ceux qui détruisent la terre.
Apocalypse 22.12
Voici , je viens bientôt, et ma rétribution (misthos) est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu’est son œuvre .
A Athènes, la nature du régime exclut la représentation et exige la participation directe à tous les échelons de la vie politique. Pourtant celle-ci n’a jamais revêtu un caractère obligatoire. Aucun décret n’obligea jamais personne à venir sur la Pnyx, à siéger comme bouleute au Conseil ou comme juré au tribunal. Pour stimuler le sens civique, la cité eut recours à des mesures incitatives plutôt qu’à la coercition. On cite volontiers la corde enduite de vermillon à l’aide de laquelle, au V° siècle, les archers scythes rabattaient les retardataires de l’Agora vers la Pnyx mais on oublie souvent qu’au IV° siècle, la même police servait en fait à réguler l’affluence ! Entre temps, la cité avait adopté le principe de l’instauration d’un misthos (ὁ μισθός) et il est probable que seuls les premiers arrivés étaient payés.
- Les différents types d’indemnités :
Le principe du misthos fut institué au V° siècle par Périclès pour indemniser et les bouleutes et les héliastes. Au IV° siècle il fut étendu à la présence sur la Pnyx pour les séances de l’Ecclesia..
On distingue donc :
- le misthos bouleutikos :ὁ μισθός βουλευτικός
- le misthos heliastikos : ὁ μισθός ἡλιαστικός
- le misthos ecclesiastikos : ὁ μισθός ἐκκλησιαστικός
A l’époque d’Aristote, le misthos était de 6 oboles pour une séance ordinaire de l’Assemblée et de 9 pour l’assemblée principale de chaque prytanie. Il se montait à 5 oboles pour une journée de bouleute (plus une pour les prytanes) et à 3 oboles pour une participation comme juré au tribunal. Les magistrats étaient également indemnisés.
Sachant qu’il n’y avait pas de procès les jours d’assemblée, un citoyen pouvait-il faire vivre sa famille avec cette somme ? Non, sans doute, mais il est certain que ce salaire devait constituer un complément appréciable.
- On peut être choqué par le fait de voir récompensée financièrement une présence à caractère civique mais, dans une démocratie représentative moderne, les fonctions politiques des élus du peuple ne sont-elles pas rétribuées ? Et au vu des contraintes que représentait l’exercice de la citoyenneté, n’était-il pas naturel de dédommager un Athénien du manque à gagner que constituait indéniablement l’abandon fréquent de ses occupations privées ?
Le monde grec a connu d’autres régimes démocratiques mais jamais le demos n’y a eu la même définition qu’à Athènes, la réalité du pouvoir restant réservée à une élite politique. C’est que la misthophorie n’a existé nulle part ailleurs. C’est elle qui a permis la participation effective de tous les citoyens à la vie politique, quelle que soit leur classe et leur fortune.
- En réalité, les critiques se concentrent surtout sur le misthos ecclesiastikos. Les contemporains (Aristophane, Platon, Aristote et, dans une certaine mesure, Démosthène) soulignent une dérive : l’Assemblée se trouve envahie par les citoyens les plus pauvres, attirés par l’indemnité offerte. Le fait est indiscutable et on voit souvent là une des causes de la perte de l’esprit civique. Pourtant, rien n’indique qu’une fois sur la Pnyx, ces derniers ne votaient pas en citoyens. Il est vrai qu’au IV° siècle, le peuple s’est montré plus versatile, plus sensible aux manipulations des démagogues mais cela tient autant à une dégradation générale de la situation sur le plan intérieur et extérieur qu’à la composition de l’Ecclesia. Sur le fond, on ne voit pas, sauf à avoir une conception bien élitiste de la démocratie, en quoi la présence massive des plus démunis dans une assemblée souveraine constituerait un danger pour l’esprit civique.
- Au misthos s’ajoutait le theorikon (τὸ θεωρικόν). A l’origine, il s’agissait d’une somme d’argent attribuée aux plus pauvres afin qu’ils puissent acquitter leur droit d’entrée au théâtre lors des Grandes Dyonysies mais au IV° siècle, il fut étendu à la plupart des cérémonies à caractère religieux et civique. Comme il ne pouvait y avoir d’assemblée ni d’audience pendant les jours fériés, les plus pauvres pouvaient ainsi percevoir alternativement le misthos et le theorikon.
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