Une question rhétorique (ou question oratoire) est une figure de style qui consiste à poser une question n’attendant pas de réponse, cette dernière étant connue par celui qui la pose[1].
« Quoi ? Tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? »
— Molière, Don Juan.
« Mais les hommes conservent-ils de la passion dans ces engagements éternels ? »
— Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves.
La question oratoire, ou « interrogation oratoire », est la forme la plus rhétorique de la question et de l’assertion déguisée. Ainsi le poète français Marcel Courault la nomme « fausse interrogation »[2]. Paradoxalement, cette figure a en effet une valeur affirmative, en dépit d’un tour souvent négatif :
« Ah ! Fallait-il en croire une amante insensée ? Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée ? »
— Jean Racine, Andromaque.
Elle se fait, à l’oral avec une intonation spécifique, qui renforce la réponse que sa production sous-entend. En effet, le locuteur de la question oratoire n’attend pas de réponse.
La visée principale de la question rhétorique est de communiquer des impressions :
« Qu’y a-t-il de plus vivant que les troupeaux ? [dans les peintures rupestres] »
— Henri Michaux, Passages.
Néanmoins, la figure peut conduire à des effets complexes, comme celui produit par une autre figure de style : l’euphémisme. En effet, la fausse question peut permettre d’atténuer des propos blessants ou choquants, voire des accusations. Elle est ainsi employée par les avocats, lors des plaidoiries ou lors des réquisitoires, pour masquer notamment l’horreur de certains faits jugés (un crime par exemple).
La stupéfaction peut également être un effet permis par la question oratoire. Cependant, dans bien des emplois littéraires de cette figure, il existe souvent un exercice habile, une espèce de « trucage » de l’auteur pour décrire une scène sans instaurer un cadre descriptif, à l’insu du lecteur en quelque sorte. Ainsi dans Le Cid, Corneille nous donne à voir une scène sans recourir à une description ou des didascalies : en usant seulement de questions rhétoriques professées par le personnage parlant :
« Elvire, où sommes-nous ? Et qu’est-ce que je vois ?
Rodrigue en ma maison ! Rodrigue devant moi ! »
Cette séquence alterne symétriquement deux questions rhétoriques dans un même vers, marquant la stupéfaction de Chimène, puis dans le second vers, deux réponses permettant de décrire la scène : la présence de Rodrigue.
Dans certains contextes (syndicaux, politiques, militaires, etc.), les questions rhétoriques animent les harangues du locuteur.
En rhétorique, la question rhétorique peut amener deux types de manœuvres oratoires :
- soit amener le public à prendre une décision (délibération) ;
- soit en s’interrogeant soi-même on feint de proposer une objection (dubitation).
L’art oratoire propose un exercice de rhétorique nommé « subjection » qui consiste à user de questions oratoires et de réponses immédiates fournies par le même locuteur, afin notamment de faire croire avoir obtenu l’aveu de l’adversaire. Cet exercice appelé également « hypobole » dévoile toute la force de cette figure, très courante du reste à l’oral :
« Que veux-tu que je fasse ? Je ne peux quand même pas… »
Néanmoins cet emploi, qui peut prendre des dimensions importantes dans un texte, nécessite toute une construction argumentative destinée à piéger l’interlocuteur. L’auteur anonyme de La Rhétorique à Herennius (Ier siècle av. J.-C.) exploite ce ressort :
« Je me demande comment cet homme est devenu si riche : lui a-t-on laissé un ample patrimoine ? Tous les gens de son père ont été vendus. Lui est-il survenu quelque héritage ? Non, tous ses parents l’ont déshérité… »
Ici, l’auteur alterne questions rhétoriques et réponses immédiates, ne permettant pas à l’adversaire de se défendre.
Les questions oratoires sont particulièrement utilisées en rhétorique, mais aussi en poésie, ainsi que dans les dialogues de théâtre, comme chez Jean Giraudoux dans Electre.
Socrate, par sa méthode dite de la maïeutique use de la question rhétorique, qui ponctue sans cesse ses dialogues philosophiques :
« Est-ce que, dans ces choses où nous sommes des inutiles, nous serons des philoi pour quelqu’un, et est-ce que quelqu’un nous aimera ? – Certes, non. »
— Phèdre, 210 c.
Historique de la notion
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Pierre Fontanier l’appelle : « interrogation figurée » car il y voit une manœuvre du locuteur à son allocutaire qui le place dans l’impossibilité de pouvoir ni nier ni répondre.
En linguistique moderne (pragmatique), on appelle question rhétorique une question qui attend une réponse dichotomique : soit oui soit non, par opposition aux questions indirectes, qui attendent une réponse construite comme dans « Avez-vous l’heure ? ». L’interlocuteur ne répondra pas oui mais donnera l’heure. Bien que synonymes, les deux occurrences ne doivent pas être confondues.
Figure « mère » : question (grammaire)
Figures « filles » : subjection (technique rhétorique)
Paronymes : questions (sens classique)
Synonymes : pseudo-interrogation, fausse interrogation,
Antonymes : aucun
Notes et références
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- ↑ « Rhètorique » , Lettres.org
- ↑ Les Voies de la composition française : manuel pratique de l’art d’écrire, Tome 2 (La Phrase, le style), Paris,
Marcel Courault, 1957,, Tome 2 (La Phrase, le style), Paris, Hachette , 1957, collection Classiques Hachette.
Quel que soit le motif du discours, la question rhétorique est une technique de communication qui permet de tenir en haleine toute une assemblée. En posant une question qui n’attend pas de réponse, l’orateur crée un sentiment d’attente vis-à-vis de son auditoire. Il crée la surprise. Engage. Et maintien l’attention.
Si elle est déjà connue de celui qui la pose, et parfois de ceux à qui elle est destinée, cette figure de style permettra aussi de resserrer les liens qui unissent l’orateur à son public. Aucun malaise, pas de confusion, au contraire : la question permet au public d’apporter une réponse et de l’engager.
Prenons l’interrogation suivante comme exemple de question rhétorique : « N’avez-vous donc aucun cœur ? » Question rhétorique par excellence, la réponse étant connue d’avance. Cette interrogation, qui paraît évidente, sera le point de départ d’un argumentaire détaillé et c’est là tout l’enjeu d’un tel procédé : amorcer une argumentation par une question dont tout le monde connaît la réponse.
Que ce soit en réunion ou en formation, tout intervenant s’est déjà retrouvé dans la position de devoir répondre à une question dont il ne connaît pas la réponse. C’est une situation fréquente et normale qu’il faut apprendre à gérer. Dans ce cas précis, il est important de ne pas céder à la panique, d’admettre son ignorance et de trouver des techniques pour ne pas laisser la question en suspens.
Savoir garder son calme
- Les techniques à privilégier : commencer par respirer et prendre le temps de répondre. Quelques secondes de silence permettent de réfléchir, de solliciter sa mémoire et son expérience pour y recueillir des éléments de réponse. Il peut être utile de faire préciser ou reformuler la question afin de cerner son périmètre.
- Les conduites à éviter : se laisser déstabiliser par la situation et paniquer. La légitimité du formateur qui a préparé son intervention et connaît son sujet n’est pas remise en cause.
Accepter d’admettre son ignorance
- Les postures à adopter : conserver une posture calme et rassurante qui illustre le fait qu’il n’est pas grave de ne pas savoir. Pour que la légitimité du formateur ne soit pas remise en question il doit admettre son ignorance simplement. Cette attitude garantit la relation pédagogique et la confiance des participants envers l’animation.
- Les choses à ne pas faire : une attitude stressée ou hésitante renverra l’idée que le fait de ne pas savoir est un problème. C’est à ce moment-là que le formateur risque de se mettre réellement en difficulté.
Trouver des techniques pour répondre à la question
Même si la réponse précise est inconnue, la question ne doit pas être laissée sans réponse. Plusieurs possibilités sont envisageables :
- S’appuyer sur les autres participants et valoriser les connaissances du groupe,
- Remettre la question à plus tard en proposant de revenir sur le sujet le lendemain ou en déposant des ressources complémentaires sur une plateforme de formation en ligne,
- Indiquer aux participants la liste des supports et ressources dans lesquels trouver la réponse,
- Faire le lien avec des connaissances ou des situations connues ou déjà abordées au cours de la formation.
Dans tous les cas de figure, évitez d’inventer une réponse au risque d’apporter des éléments erronés qui remettraient en cause votre expertise du formateur.
Question sans réponse : nos conseils pour exprimer votre méconnaissance
- Faire préciser la question en utilisant des formulations du type : « Si j’ai bien compris, votre question porte sur… »
- Admettre que l’on ne connaît pas la réponse en utilisant les expressions suivantes : « Je ne connais pas la réponse à cette question », « Je ne suis pas en mesure de vous répondre en l’état actuel des éléments dont je dispose », « Je n’ai encore jamais rencontré cette situation, je ne peux donc pas vous apporter d’éléments aujourd’hui ».
- Mettre en valeur les atouts de la situation en introduisant une ouverture : « Grâce à votre question, je vais pouvoir me renseigner sur le sujet, approfondir mes connaissances et enrichir ma formation ! »
- Solliciter les autres participants : « Quelqu’un aurait-il des éléments de réponse à apporter ? », « Essayons de répondre à la question ensemble… », « Où pourriez-vous trouver des éléments de réponse ? »
- Remettre la réponse à plus tard : « Je vous propose de revenir sur cette question demain, lorsque j’aurai fait le point sur le sujet », « Je vous apporterai des compléments d’informations sur la plateforme de formation à distance et nous échangerons grâce au forum ».
Ce qu’il faut retenir
- Garder son calme, prendre le temps de répondre et demander de reformuler si nécessaire.
- Admettre son ignorance en conservant une posture calme et rassurante.
- Apporter une réponse ou des éléments de réponse afin de ne pas laisser la question en suspens.
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