Corrigé dissertation BAC PHILO ES 2014
Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ?
Les révolutions des démocraties libérales du XVIIIème siècle ont refondées l’ensemble des sociétés occidentales sur l’idée de liberté définie comme capacité de choix. En découle les idées de responsabilité et d’autodétermination au plan individuel comme collectif.
Ainsi toute récompense ou punition reposerait sur l’idée que l’homme est libre c’est-à-dire qu’il a toujours le choix. Pourtant on peut se demander si tout le malheur de notre société ne réside pas justement dans cette idée de choix à laquelle nous vouons un véritable culte.
De plus on peut se demander s’il ne relève pas d’une caractérisation insuffisante et par trop idéaliste de la liberté.
I Le choix comme fondement de la liberté
- Le choix est la capacité d’échapper au poids des déterminismes et des lois de causalité. C’est cette liberté que Descartes qualifie de liberté d’indifférence et qu’il considère à juste titre comme le fondement de la liberté
- Plus profondément la faculté de choix se fonde sur la capacité de la conscience à mettre entre parenthèse toutes les causes, sensations ou pesanteur de la situation présente. C’est la preuve de cette capacité dont Descartes fait la démonstration dans l’expérience du cogito. Cette capacité de n’être plus dans le monde mais face au monde atteste du caractère métaphysique de l’homme. A l’époque romaine le philosophe stoïcien et esclave Epictète mettait lui aussi en évidence ce pouvoir : « Un tyran me dit : « Je suis le maître, je peux tout. – Eh ! que peux-tu ? Peux-tu te donner un bon esprit ? Peux-tu m’ôter ma liberté ? (…) – Mais je puis te faire couper le cou. – Tu parles bien. J’avais oublié qu’il faut te faire la cour comme aux dieux nuisibles, et t’offrir des sacrifices comme à la fièvre. N’a-t-elle pas un autel à Rome ? Tu le mérites plus qu’elle, car tu es plus malfaisant. Mais que tes satellites et toute ta pompe effraient et troublent la vile populace, tu ne me troubleras point ; je ne puis être troublé que par moi-même. Tu as beau me menacer, je te dis que je suis libre. – Toi libre ! Et comment ? – C’est la divinité même qui m’a affranchi. Penses-tu qu’elle souffre que son fils tombe sous ta puissance ? Tu es le maître de ma carcasse ; prends-la. Tu n’as aucun pouvoir sur moi. » ÉPICTETE, Entretiens, Livre I, 52
- C’est pourquoi on peut voir avec Sartre le fait que cette liberté absolue (de dire oui ou non à tout, jusque dans le sacrifice de sa vie) est le fondement politique de la démocratie. L’étudiant chinois de la place Tian’anmen ou le résistant font la preuve de leur choix absolu et donc de leur liberté.
Transition : pourtant la capacité d’avoir le choix paraît insuffisante…
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II La liberté éclairée comme expression réelle de la liberté
- En cours philosophie, la faculté de choix est la condition minimale, nécessaire mais non suffisante de l’exercice de le liberté. En effet, le choix peut être perpétuellement répété sans conduire à aucune action efficace. Par exemple un enfant qui chaque semaine choisirait, par caprice, de commencer un nouvel instrument de musique. C’est pourquoi Descartes oppose à la liberté d’indifférence, qui peut être vide inefficace ou absurde, la liberté éclairée qui consiste à choisir en connaissance de cause. « Car, afin que je sois libre, il n’est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l’un ou l’autre des deux contraires; mais plutôt, d’autant plus que je penche vers l’un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s’y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l’intérieur de ma pensée, d’autant plus librement, j’en fais choix et je l’embrasse. Et certes la grâce divine et la connaissance naturelle, bien loin de diminuer ma liberté, l’augmentent plutôt, et la fortifient. De façon que cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance, qu’une perfection dans la volonté, car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent.» Méditations métaphysiques
- Mais alors s’opère un retournement parce que la liberté se révèle comme l’exercice d’une nécessité fondée en raison. Cf Spinoza : « J’appelle libre, quant à moi, une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature ; contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir »
- Telle qu’elle est vécue la liberté apparaît comme l’expression d’un mouvement conforme à une singularité qu’elle exprime (cf Bergson« Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’œuvre et l’artiste. En vain on alléguera que nous cédons alors à l’influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c’est encore nous »)
-> Il retrouve ainsi l’expression apparemment paradoxale du poète antique Pindare ; « deviens ce que tu es »
Transition : nécessaire soupçon par rapport à l’idée de choix comme fondement de la liberté
III Le paradoxe moderne d’un choix aliénant
- « avoir le choix » peut apparaître comme un alibi pour justifier l’état de fait d’une société et les rapports de domination qui y règnent. Par exemple le déterminisme social conduit 1% seulement des enfants d’ouvrier et employés à entrer dans les grandes écoles (polytechniqe, ENA, ENS, HEC) alors qu’ils représentent 50% des enfants scolarisés. Cette reproduction des élites révèle que la liberté ne repose pas dans la liberté de choix mais dans les conditions réelles d’accès à l’information, à l’aide personnalisée, à l’encouragement, etc. Ainsi la liberté se définit comme liberté réelle dont la formulation politique est l’égalité des chances dont il revient au politique de préciser les modalités. « Avoir le choix » apparaît dès lors comme un moyen de de culpabiliser ceux qui ont échoué.
- La liberté ne réside donc pas uniquement dans le choix (droit de vote par exemple) mais dans l’exercice réel de ce choix -> respect des engagements du représentant politique, possibilité de contrôle des élus (démocratie participative, etc)
- Culte du choix qui est le fondement de la démocratie libérale devient dangereux dans le cadre d’une société de l’échange généralisé de marchandise (publicité, mode, perpétuelle nouveauté, obsolescence programmée) qui paradoxalement aliène le consommateur-citoyen qui en oublie la rationalité de l’existence (impératifs écologiques, dimension sociale, politique, morale de l’échange et des conditions de production, achat compulsif, irrationalité du désir cultivé par la publicité)
Conclusion :
Paradoxe d’une société contemporaine où la liberté consiste à résister au choix
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Introduction / Problématisation.
En – 399, Socrate est condamné à mort au motif qu’il a corrompu la jeunesse et qu’il n’a pas respecté les dieux de la cité. Mais ses amis le pressent de quitter Athènes pour échapper à cette sentence injuste. Socrate pourtant refuse : il décide de se donner la mort en buvant la ciguë. Cet épisode célèbre de l’histoire de la philosophie donne à réfléchir : Socrate, en se suicidant a-t-il agi librement ? Son choix est-il bien celui d’un homme libre ?
Choisir, c’est opter, donner sa préférence à une chose plutôt qu’à une autre. Se demander si avoir le choix suffit à être libre revient à faire du choix l’essence de la liberté. Mais ainsi formulé le sujet jette le doute sur cette identification. De fait, si, lors d’une exécution capitale, on laisse au condamné le choix du mode d’exécution de la sentence, le choix n’est-il pas un faux choix ? Saint Paul en décidant d’être décapité plutôt que crucifié, parce qu’en tant que citoyen romain, ce choix lui est offert, aurait sans doute préféré rester en vie pour continuer sa mission évangélisatrice. Il semble donc qu’avoir le choix ne suffit pas à être libre. Peut-on soutenir pour autant que renoncer à choisir est un gage de liberté ? On se doute que non car si ce renoncement est volontaire, il est encore le produit d’un choix et s’il ne l’est pas, il y a contrainte donc absence de liberté. Tout le problème consiste donc à savoir si on peut déterminer a priori le choix pour que celui-ci garantisse notre liberté : Comment savoir si un choix est rationnel ou pas ? N’est-ce pas toujours a posteriori qu’on peut juger que tel ou tel choix était bien celui d’un homme libre ? Bref, si le choix n’est pas suffisant pour être libre, n’est-ce pas toujours à lui qu’il faut revenir pour signifier notre liberté ? Plus classiquement, on demandera si la liberté est réductible au seul libre-arbitre.
On verra ainsi que si l’absence de choix contredit la liberté (I), la possibilité de décider n’est pas suffisante (II) parce que la liberté, si elle n’est pas une illusion, requiert que tout choix soit éclairé (III).
Première partie. L’absence de choix contredit la liberté.
Que la liberté suppose le choix cela ne fait aucun doute. Aristote a montré dans son Éthique à Nicomaque que tout acte libre peut se décrire comme la mise en pratique d’une séquence comportant trois étapes : la délibération, le choix, l’action. On voit que si le choix occupe une place centrale dans cette séquence, c’est, d’une part, parce que la délibération seule n’aurait pas de fin si on ne décidait de trancher pour faire prévaloir telle option plutôt que telle autre, et, d’autre part, parce que si l’action n’était pas initiée par un choix, elle se confondrait avec une activité réflexe, donc irréfléchie, instinctuelle qui nous rabattrait au même niveau que l’animal. Mais si avoir le choix est nécessaire cela est-il suffisant ?
On peut en douter car le lien entre le choix et l’action suppose une force qui n’est pas inhérente au choix : Avoir le choix n’implique pas nécessairement que nous ayons les moyens de le mettre en oeuvre. Il faut pour cela ajouter au choix une force qui vise à réaliser l’option retenue. Cette force, la tradition l’appelle « libre-arbitre » ou « liberté d’indifférence ». Pour prouver qu’une telle force existe, le philosophe médiéval Buridan invente la fiction suivante : Imaginons un âne à équidistance d’un seau d’eau et d’un picotin d’avoine. Cet âne se laissera mourir de soif et de faim car en l’absence de motif prévalent, il ne pourra agir. L’homme, lui, parce qu’il possède le libre-arbitre se décidera sans difficulté. Etre libre, ce serait donc non seulement avoir le choix mais aussi posséder la force de se déterminer soi-même. Mais cette force n’est-elle pas une illusion?
Deuxième partie. La possibilité de décider n’est pas suffisante.
Faire reposer la liberté sur la simple existence d’une alternative et la possibilité de la réaliser est sans doute réducteur. Une première objection consiste ici à dire que cette force d’autodétermination qu’est le libre-arbitre n’est qu’une illusion car elle est elle-même déterminée. Dans son Essai sur le libre-arbitre , le philosophe allemand Schopenhauer imagine l’attitude d’un homme qui vient de finir sa journée de travail. les possibilités qui s’offrent à lui sont multiples : il peut décider d’aller jouer aux cartes, de rendre visite à un ami, de monter sur la plus haute tour de la ville pour jouir d’un beau spectacle ou même de quitter cette ville. Pourtant, il ne fera rien de tout cela mais rentrera tranquillement chez lui retrouver son épouse. Ce qui le détermine alors à agir, ce n’est pas la force du libre-arbitre mais celle de l’habitude. Autrement dit, la multitude des choix pas plus que la force de les réaliser ne permettent de parler d’autodétermination car nos choix sont prédéterminés par les habitudes que nous avons contractées, le plus souvent d’ailleurs au début de notre existence, c’est-à-dire quand nous n’avions pas les moyens intellectuels de les réfléchir. Toutefois affirmer cela n’est-ce pas nier la liberté elle-même ? Si actualiser un choix revient à s’illusionner, que reste-t-il de la liberté ?
Pour maintenir l’idée d’une liberté humaine sans nier ce qui nous détermine, on peut subtilement distinguer ce qui est certain et ce qui est nécessaire. Dans son Discours de Métaphysique, le philosophe allemand Leibniz demande si, au moment où César décide de franchir le Rubicon et donc de renverser la République romaine pour établir un Empire, il agit librement. Leibniz répond que oui : l’acte de César est libre parce qu’il aurait pu faire un autre choix. Cela n’implique pas contradiction. Pourtant, du point de vue de Dieu, qui connaît le scénario entier de l’histoire de l’univers, il était certain que César agirait ainsi car un monde dans lequel il aurait agi autrement n’aurait pas été créé par Dieu. En effet celui-ci, parfaitement bienveillant, ne peut faire exister que le meilleur des mondes possibles. On voit donc avec Leibniz qu’avoir le choix et être déterminé ne sont pas deux choses inconciliables. Cependant cet argument métaphysique respecte-t-il bien l’idée de choix dans son absoluité ? Car avoir vraiment le choix, n’est-ce pas pouvoir faire quelque chose d’absurde qui n’entre dans aucun calcul ? Il faut donc réorienter la réflexion sur le rapport que peuvent entretenir la liberté et la raison.
Troisième partie. La liberté, si elle n’est pas une illusion, requiert que tout choix soit éclairé.
A trop vouloir rationaliser le choix pour en faire un juste critère de la liberté, il est fort probable qu’on la réduise à n’être qu’une illusion. Ainsi Kant, dans sa Critique de la raison pratique devait reprocher à Leibniz de ne proposer à l’homme qu’une liberté de « tourne broche » parce que dans son système le sujet ne fait que dérouler au cours de son existence les attributs que Dieu a mis en lui. Mais Kant, en définissant la liberté par l’autonomie ne semble pas davantage respecter l’idée de choix comme critère de l’action libre. En effet, pour lui, la raison pratique nous enjoint de suivre les impératifs catégoriques qu’elle dicte à notre volonté pour prétendre agir de manière autonome. Pour Kant, être libre, c’est certes agir par soi-même mais sous le commandement de la raison, c’est-à-dire en faisant notre devoir. Mais ce moralisme est-il bien compatible avec l’idée de liberté ?
On peut en douter. Déjà Descartes, pourtant père du rationalisme, avait perçu que si la raison est légitimée à éclairer nos choix, il est bon de penser qu’elle « incline sans nécessiter ». Autrement dit, il faut accorder une place au libre-arbitre, indépendamment de la raison, pour maintenir l’idée de liberté. Et c’est sans doute le mérite des pensées existentialistes d’avoir perçue, au risque de la majorer, l’importance de cette dimension du choix, indéterminable par la raison, pour définir la liberté. Penseur de la liberté par excellence, Sartre a ainsi montré en reprenant une intuition de Kierkegaard que la liberté est angoissante justement parce qu’elle repose en son essence sur le choix, c’est-à-dire la prise de risque. Tout homme est amené pour être libre à faire des choix qui l’engagent totalement sans que la raison puisse par avance certifier que ce choix est le meilleur possible, comme l’explique Sartre dans L’existentialisme est un humanisme.
Conclusion
On peut donc se risquer à dire que paradoxalement, avoir le choix, est bien in fine le critère de la liberté. Mais pour que ce critère soit suffisant, il faut avoir épuisé les possibilités de la raison. Ce n’est donc pas naïvement mais par humilité relativement à ce que nous pouvons effectivement connaître qu’on accordera que le choix prime sur toute autre considération dans la définition de la liberté.
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