Carnet noir. Ce mercredi 1er février, Philippe Tesson a rendu son dernier souffle à l’âge de 94 ans. La célèbre journaliste a laissé derrière lui une carrière remplie de succès, mais aussi une famille en deuil, dont ses trois enfants, Sylvain, Stéphanie et Daphné, tous issus de sa relation avec Marie-Claude Tesson-Millet. La fratrie se retrouve donc aujourd’hui orpheline puisque la maman est décédée brutalement neuf ans plus tôt, en 2014, d’une terrible embolie pulmonaire. Alors âgée de 71 ans, l’ex-épouse de Philippe Tesson avait notamment créé Le Quotidien du médecin, en 1971. Sa disparition avait eu l’effet d’une bombe au sein du média, à tel point qu’un message bouleversant avait été publié sur le site Internet.
« Le chagrin que nous ressentons tous nous renvoie à l’affection, à l’amour qu’elle inspirait. C’était une femme exceptionnelle avec qui n’importe lequel d’entre nous pouvait établir une relation individuelle », peut-on lire sur Lequotidiendumédecin.fr. Et d’ajouter : « Elle a reconstitué dans sa vie professionnelle une famille semblable à celle qu’elle a fondée avec son mari. […] Mère de trois enfants qui, chacun dans sa partie, est un modèle, épouse d’un patron de presse qui lui-même a formé plusieurs générations de journalistes, elle laisse un vide immense, un trou dans chacun de nos cœurs. »
>> PHOTOS – Ces tragiques décès de personnalités qui ont déjà marqué l’année 2023
Philippe Tesson : sa femme avait fondé un organisme de communication sur les problèmes de santé
Outre son implication dans Le Quotidien du médecin, Marie-Claude Tesson-Millet avait également opéré au sein d’un autre organisme qu’elle avait créé en 1993, baptisé « Équilibres et Populations ». Cette fois, l’épouse de Philippe Tesson avait fondé une organisation non gouvernementale qui avait pour but de favoriser le développement dans les pays pauvres. Elle y était particulièrement impliquée et passait beaucoup de temps sur le terrain.
Article écrit en collaboration avec 6Medias.
Crédits photos : COADIC GUIREC / BESTIMAGE
Il est un homme du Nord. Le journaliste Philippe Tesson a passé son enfance en Thiérache, durant l’occupation allemande, dans la petite bourgeoisie française. Dans la vie, il pense qu’il faut régler trois questions le plus vite possible : l’argent, le sexe, la mort. Les a-t-il réglées? Depuis le décès de son ami Jean d’Ormesson , Philippe Tesson est le dernier représentant de ce qu’on appelle l' »esprit français ». Le fondateur du Quotidien de Paris prend sa place dans un courant, allant de Molière à Guitry, passionnément épris de liberté et de gaîté. L’homme élégant et affable est un mélange de profondeur et de légèreté. Le journaliste et écrivain Jean-Marie Rouart le côtoie depuis plus de quarante ans : « Pour un arriviste comme moi, ce fut une chance d’être proche de Jean d’Ormesson et de Philippe Tesson car je n’ai pas eu à me forcer. Jean-François Revel notait que le Français était devenu allemand. Disons que Philippe Tesson n’est pas devenu allemand. »
Publicité
Les trois enfants de Philippe Tesson sont la synthèse réussie de ses passions. Stéphanie Tesson et le théâtre, Sylvain Tesson et la littérature, Daphné Tesson et le journalisme. L’éditeur et écrivain Olivier Frébourg parle d’une famille « shakespearienne », fondée sur la dévoration et l’affection. On les a rencontrés séparément car, ensemble, ils ne sont pas tenables tant ils se charrient les uns, les autres. Bien sûr, ils n’ont rien demandé. Ils sont trop orgueilleux et libertaires pour souffler la moitié d’un souhait concernant un portrait d’eux. « Nous n’attachons aucune importance à notre propre figurine » (Sylvain Tesson). On entendra beaucoup dire à droite et à gauche, sous une forme ou sous une autre, que le seul tabou de la famille Tesson est le malheur. Le père et le fils avanceront d’ailleurs à tort, chacun de leur côté, qu’on ne pleure jamais dans la famille. On n’y prêtera guère attention au début pour découvrir qu’il s’agit d’une porte d’entrée dans leur univers à la fois clos et ouvert.
La suite après cette publicité
«
Mon père est comme un chien de berger. Il œuvre pour le regroupement familial. Chatou représente pour moi la mangrove. Un milieu qui engloutit, absorbe
«
Un monde à la Tchekhov. Des cèdres multicentenaires. Le passé et l’avenir. Il faut commencer par la maison de Chatou, dans les Yvelines, à 10 kilomètres à l’ouest de Paris. Philippe Tesson : « Chatou est un phalanstère dont je suis le patriarche. On y vit en autarcie. » Les enfants y ont grandi, le clan s’y retrouve encore. Stéphanie Tesson, l’aînée de la fratrie, ne souhaitait pas évoquer un lieu jugé intime et secret. Les deux hommes de la famille, rencontrés en premier, en ont parlé d’emblée. Ils lui ont dit : « Trop tard. » L’aînée partage, avec son père, la même propriété familiale. La cadette s’est installée dans une maison moderne à côté, en 2015, peu après la mort de la mère, en mai 2014. On les appelle respectivement maison « Psychose » et maison « Santa Barbara ». Sylvain Tesson tente de ne pas y passer plus de quarante-huit heures d’affilée. « Mon père est comme un chien de berger. Il œuvre pour le regroupement familial. Chatou représente pour moi la mangrove. Un milieu qui engloutit, absorbe. J’ai décidé de quitter la mangrove. » Sylvain Tesson est parti, mais il n’a jamais rompu. Tous évoquent la gouvernante hongroise, Eva, arrivée à l’âge de 24 ans dans la famille. Elle a quitté son pays, en 1972, pour fuir le communisme. Elle est une figure de liberté dans une famille dont la liberté est le maître mot.
La suite après cette publicité
Cornemuses et messes noires
Le père dit : « Nous sommes tous des Narcisse et des exhibitionnistes, à part Daphné. » Elle est la petite dernière du clan Tesson. Elle a neuf ans de différence avec Stéphanie et six avec Sylvain. Discrète et concrète. Elle est mère de deux garçons, de 5 et 8 ans, dont les problèmes de santé lui ont fait connaître les chemins de croix hospitaliers des parents d’enfants malades. Elle a partagé la vie, durant quinze ans, du dramaturge Sébastien Thiéry, un provocateur doué, dont les pièces de théâtre sont un mélange de comique et de cruauté. On rencontre Daphné Tesson dans un café à l’auvent vert, un jour de pluie fine. « Je n’oserais pas dire que ma famille est extraordinaire, mais elle n’est pas ordinaire. Je suis la seule à avoir toujours recherché la norme. Mon frère jouait de la cornemuse en culotte tyrolienne, ma sœur organisait des messes noires. Moi, je rêvais de pouvoir discuter de vernis à ongle avec quelqu’un. » La cadette a suivi, à 13 ans, sa mère à Paris. Son frère et sa sœur sont restés à Chatou avec leur père. Elle assure que ses parents n’ont jamais songé une seule fois à divorcer en quarante-cinq ans de mariage. Ils se sont toujours retrouvés. Daphné Tesson est donc revenue à Chatou, en 2015, après vingt ans passés dans la capitale.
Ils détestent la psychanalyse dans la famille, chacun nous le dira séparément, mais la cadette est en analyse depuis vingt ans. Sylvain et Daphné Tesson ont été, à un moment, extrêmement proches. La petite dernière de la fratrie pense que la naissance de ses enfants, un mode de vie différent, les ont éloignés l’un de l’autre. Elle a les larmes aux yeux en parlant des sorties de route de son frère. Elle a vu ses conduites ordaliques s’aggraver, au fil du temps, sans en comprendre la raison. « Je me souviens avoir séjourné à la montagne avec lui. Il pratiquait alors le monoski. Je ne l’ai pas vu une seule fois emprunter une piste autorisée en quatre jours de ski. Je me rappelle avec précision avoir distingué, au loin, sa mince silhouette en bleu. Sylvain avait 28 ans et j’ai pensé : je peux le voir mourir sous mes yeux des centaines de fois. Sylvain n’est pas suicidaire, mais il est désabusé. » Daphné Tesson lève les yeux au ciel en disant que la dernière fois qu’elle a vu son frère à la télévision, il expliquait apprécier le mouvement sous toutes ses formes, du ballet russe à la défenestration. Mais chacun à leur manière, ils dansent au-dessus du volcan. Sébastien Thiéry, le père de ses enfants, a défendu le statut des auteurs de théâtre entièrement nu, devant le public, lors d’une nuit des Molières. La ministre de la Culture Fleur Pellerin en était stupéfaite.
La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
«
Mon père est extrêmement bien élevé. De politesse en politesse, on peut nouer avec lui un magnifique dialogue de sourds
«
La pudeur et l’ironie refroidissent pendant que la tendresse et l’humour réchauffent. Le père : « Vous êtes au courant que Sylvain est souvent dans la posture? » et « Vous savez que la durée de vie des amours de Sylvain est extrêmement brève? » On rencontre Sylvain Tesson, devant une tasse de thé russe, dans son appartement perché haut. Il s’apprête à partir au Népal, à la recherche de la panthère blanche. L’auteur de Dans les forêts de Sibérie (615.000 exemplaires) et de Sur les chemins noirs (220.000 exemplaires) raconte une enfance heureuse à Chatou. « Je ne vais pas cracher dans la soupe car la soupe était excellente. » Sylvain Tesson reste sans doute l’enfant le plus mélancolique d’une fratrie atypique.
Olivier Frébourg souligne avec justesse que le fils est l’homme du passé alors que le père est l’homme de l’avenir. Sylvain Tesson ne souhaite pas avoir d’enfant. « On ne se propage pas beaucoup dans la famille. Je crois que mon père souffre profondément que nous n’ayons pas d’enfant, Stéphanie et moi, mais il ne l’avouera jamais. On ne se connaît pas les uns les autres. On se parle beaucoup, de véritables moulins à paroles, mais on ne se dit jamais rien. Mon père a peut-être connu un effondrement intérieur lors de la mort de sa femme. Je ne sais pas. On fait tout avec décalage. Nous sommes des mèches lentes, même si nous vivons rapidement. » Philippe Tesson confesse devoir ses plus grandes joies à la paternité. Sylvain Tesson n’en croit rien. « Mon père est extrêmement bien élevé. De politesse en politesse, on peut nouer avec lui un magnifique dialogue de sourds. » Le père et le fils sont profondément liés. Même s’il exige des nouvelles régulières, Philippe Tesson a toujours respecté la liberté de son fils. « Sylvain a besoin de partir loin dans la solitude et l’excès. Il lui faut quitter une société trop étroite pour lui. Moi, la société ne m’emmerde jamais. » En fait, ils se ressemblent. Le père et ses excès de langage, le fils et ses excès de comportement. Les mêmes.
Un couple antipodique
Ils ont seize années de différence. Il est né en 1928 ; elle est née en 1942. Philippe Tesson est à l’époque rédacteur en chef du quotidien Combat. Il est le témoin de la mariée et il va repartir avec la mariée. Marie-Claude Millet a pris la décision de rompre avec son premier époux, le lendemain de son mariage, pour s’installer avec Philippe Tesson. La légende familiale veut que les cadeaux de mariage n’aient pas encore été déballés, que la robe de mariée pende toujours sur un cintre tel un fantôme. Nous sommes en 1969. Ils se libèrent l’un l’autre. Un couple antipodique. Elle est mystérieuse, introvertie, sombre, rigoureuse ; il est mondain, virevoltant, bravache, énergique. La scientifique et le fantaisiste. Stéphanie est du côté du père, Daphné est du côté de la mère. Sylvain se situe à équidistance des deux parents. Le couple a tenu quarante-cinq ans. Une entente professionnelle et personnelle. Ils vont fonder ensemble Le Quotidien du médecin, un succès, dont elle va prendre la tête. Marie-Claude Tesson n’a jamais aimé la lumière. Son fils se souvient d’elle se mettant des cotons dans les mains avant de passer à la télévision. Elle est morte soudainement, des suites d’une embolie pulmonaire, à l’âge de 71 ans. Philippe Tesson entérine la fin d’un bonheur familial historique. « Sa mort a brisé quelque chose, mais pas l’essentiel. La famille a été consolidée et non reconfigurée. Il faut impressionner la mort par sa propre résistance. » De ce point de vue-là, il est un défi vivant à la mort.
«
Philippe Tesson a représenté mon idéal de journalisme : la liberté absolue, le débat intellectuel permanent, le goût littéraire
«
Il est un anticonformiste avec des vestes Arnys et un rond de serviette au Récamier. Un homme de théâtre, un homme théâtral. Son credo : fais ce que tu veux dans la considération d’autrui. On le dit bisexuel. Il ne répond pas. Philippe Tesson est un universaliste, un esprit du XVIIIe siècle, un père de famille, un polémiste craint, un homme pudique. On ne raconte pas sa vie intime, même à ses plus proches. Quand il dit qu’il vous rappelle dans cinq minutes, vingt années peuvent s’écouler. Jean-Marie Rouart le connaît par cœur. « Il est un égoïste généreux et il vit comme il l’entend. Il est une allumeuse, en appel permanent de séduction. Il veut être ami avec tout le monde, mais il ne peut pas répondre à l’amitié de tout le monde. » Philippe Tesson a prodigué à ses enfants l’éducation qu’il a lui-même reçue de sa mère adorée. Les deux piliers en sont la liberté et la solidarité. « On vit ensemble pour construire quelque chose. Il y a une joie de vivre doublée d’une joie de vivre ensemble. » A-t-il réellement réglé les questions de la mort, du sexe, de l’argent? Il a tôt réglé les problèmes d’argent (il en perd par ses folies et en gagne par son travail) et les fascinations du pouvoir (il tournerait le dos à un président de la République pour aller discuter avec une jeune fille plaisante). Il a fondé et dirigé de 1974 à 1994 Le Quotidien de Paris. De nombreux journalistes, dont Claire Chazal, Jean-Marie Rouart, Dominique Bona, lui doivent beaucoup. Jean-Marie Rouart mythifie ses années de travail au Quotidien. « Philippe Tesson était la fantaisie au pouvoir. Il a représenté mon idéal de journalisme : la liberté absolue, le débat intellectuel permanent, le goût littéraire. »
Philippe Tesson connaît la classe politique de droite comme de gauche. « Les hommes politiques sont tous malheureux car la politique rend fou. » Il a été un ami de Pierre Mauroy et entretient une relation filiale avec Nicolas Sarkozy. Le journaliste Guillaume Durand le reçoit régulièrement sur Radio classique. « Je l’ai entendu dire à longueur d’émissions : J’adore Nicolas Sarkozy, mais il est psychiatrique ; j’embrasse François Hollande, mais il est au-delà du nul. Philippe Tesson appartient à cette droite libérale tombée, avec les deux bras et les deux jambes, dans le macronisme. » Nicolas Sarkozy a toujours pardonné à Philippe Tesson ses provocations car elles font partie de lui. Le polémiste a plusieurs fois eu affaire aux tribunaux durant sa carrière. Il n’a pas peur de grand-chose. Philippe Tesson a acheté le Théâtre de poche-Montparnasse à Paris, en 2012, à l’âge de 83 ans, contre l’avis de sa femme. Il le dirige avec sa fille aînée. Le théâtre est leur accès de compréhension à la vie. On ne peut pas saisir Philippe Tesson sans mettre en exergue son attache à sa terre natale et son amour du théâtre. Guillaume Durand résume les deux pôles de sa personnalité : « Il a un arrière-monde profond et il est un baroque du Nord. » Tous soulignent le mystère de Philippe Tesson. Il ne laisse aucune œuvre derrière lui. Il aura passé sa vie à écrire sur du sable.
La passion de la liberté
On la regarde, face à nous, dans un café parisien. De sa famille, tissée par les liens du sang, elle dit : « On est faits les uns pour les autres. » Stéphanie Tesson est une pure émanation du clan Tesson par sa singularité et son évanescence. Elle a une relation fusionnelle avec son père puisque tous deux dirigent ensemble le Poche-Montparnasse et vivent dans la même propriété à Chatou. Le clan se retrouve, jusque tard dans la nuit, dans le petit théâtre. Stéphanie Tesson est la plus attachée de la fratrie au royaume de l’enfance. « Sylvain a fait le mur, Daphné a ouvert la grille et moi, j’ai fermé la porte à double tour et jeté la clé par la fenêtre. » Elle s’excuse de pleurer en évoquant le souvenir d’une mère sculptée d’ombres et de secrets. Certains font le lien entre la mort de la mère et l’accident du fils. Sylvain Tesson a chuté d’un toit à Chamonix, quelques mois après la mort de sa mère. Il est resté plusieurs jours dans le coma. Sa sœur aînée ne s’y attarde pas. « Sylvain vit comme une offense qu’on le renvoie à son accident. » Le malheur est bien leur tabou. Stéphanie Tesson ne nie pas, mais nuance un peu. « Pleurer sur soi est interdit, mais pleurer sur les autres est permis. »
«
Ils disent tout et le contraire de tout. Je crois uniquement en la sincérité de notre amour les uns pour les autres
«
Quand on demande séparément aux deux filles de la famille ce qu’on ne connaît pas de leur père, insolent et bretteur, elles répondent sans se consulter : « La bonté. » Ils sont tous liés par l’amour de la musique et la passion de la liberté. Ils se dissimulent derrière l’excès, les bons mots, l’outrance. Stéphanie : « Nous avons été éduqués dans le froid ou le chaud, mais jamais dans le tiède. » Daphné : « Nous avons grandi dans le noir ou le blanc, mais jamais dans le gris. » Les trois enfants racontent ainsi une éducation foutraque et rigoriste, snob et simple, passéiste et avant-gardiste. Les parents, mécréants, ont envoyé leurs enfants dans des écoles ultrareligieuses. Daphné : « Ils disent tout et le contraire de tout. Je crois uniquement en la sincérité de notre amour les uns pour les autres. » Ils tentent de ne pas faire de leur affection un poids les enchaînant les uns aux autres. Un soir d’ivresse comme un autre, bien avant la mort de sa mère, Sylvain Tesson avait confié à des amis : « Je ne veux pas survivre à mes parents. »
Anticonformistes et fantaisistes. Stéphanie Tesson : « Nous avons plié le réel à nos fantasmes. » Ils sont les représentants d’une gaîté française. Ils ont en commun de détester la complaisance dans le malheur et de refuser toute forme d’épanchement affectif. La devise de la grand-mère paternelle, « On n’emmerde pas les autres avec sa douleur », demeure inscrite au frontispice du temple familial. On ne se répand pas, on ne se plaint pas. « Philippe n’est pas une mamma juive. Les gens du Nord sont présents, en cas de problème, mais sans effusion de sentiments » (Jean-Marie Rouart). Le malheur est leur tabou. L’essentiel est ainsi, parfois, souvent, passé sous le boisseau. Face aux coups durs, ils réagissent par une extension et non par une rétraction. Ils s’en vont, toujours, vers plus de vie.
L’année 2014 a été la pire année de la famille avec, notamment, la disparition de Marie-Claude Tesson (mai) et l’accident de Sylvain Tesson (août). Daphné Tesson assure : « On s’en remet. » Quand Marie-Claude Tesson est morte, ils se sont encore un peu plus collés les uns aux autres. Philippe Tesson a parlé à ses enfants : « On continue ensemble. » Et puis : « Maintenant, il faut vivre dans le réel. » L’époque est ingrate. Elle se détache de la famille, elle se détourne du passé. On part sans régler ses dettes. Nous avons voulu les rencontrer car ils sont radicalement à part dans leur manière de porter beau. Ils sont attachés au clan, à la fantaisie, au passé. Sans donner de leçon, sans se donner en exemple. Aujourd’hui, ils ne sont toujours pas dans le réel, mais ils continuent à avancer ensemble. Philippe Tesson vient d’avoir 90 ans. Il reste attaché au Nord. Là où la vie même a commencé. Dans les rues de Paris, on le croise souvent en compagnie d’un de ses enfants.
Soyez le premier a laisser un commentaire