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Ville du futur dessin

Étonnante thèse de l’architecte urbaniste Alain Cornet-Vernet. En repoussant les murailles de la ville aux confins de la France, Louis XIV et Vauban libèrent le territoire urbain des fonctions militaires et font entrer la nature dans la ville.

Les ingénieurs devraient écrire plus souvent. L’architecte et urbaniste Alain Cornet-Vernet (1) passé par les Ponts et Harvard, a attendu sa retraite pour écrire sur le futur des villes. Un livre d’ingénieur, très documenté, avec des mesures abondantes sur l’extraordinaire complexité de l’urbanisation en cours dans le monde. Et un rappel sur des villes englouties dans l’histoire comme Ur, Palmyre, Pagan ou Angkor retournées au désert ou à la forêt. Il faut donc prendre très au sérieux la question urbaine. La thèse la plus forte de ce livre détonnant ? Versailles aurait inventé la ville du futur.

Pourtant, en 1751, Diderot et d’Alembert dans l’Encyclopédie définissaient encore laville comme une « enceinte fermée demurailles », tout comme les Chinois avec leur sinogramme cheng (muraille). Gagner une guerre, c’étaitconquérir des villes. Des villes convoitées pour leur capacité à civiliser, àfabrique de l’urbanité (politesse, affabilité). Signe de son urbanité,l’association entre la ville et la muraille a explosé à Versailles lorsqueLouis XIV « repousse les limites du territoiresacré des villes à celles des frontières du royaume », jusqu’à en copierla forme de la place-forte. Vauban le stratège des places fortes sera chargé decette tâche.

Du coup, Versailles nouvelle capitale de l’Etat le pluspeuplé d’Europe, le troisième du monde après la Chine et l’Inde, va êtredessinée à partir du château d’où vient l’ordre du roi en 1673 de démolir levieux village pour y construire une église, une place d’armes et des écuries. AvecLe Nôtre et Mansart, l’ensemble château-parc-ville est organique, les arbres etla nature entrant dans la ville. « Larue qui ne dépassait pas la dizaine de pas en largeur depuis des millénaires,ose dépasser la centaine de pas ». Débarrassée du coût de constructionet d’entretien du mur d’enceinte, la ville se libère de son corset. « Elle peut alors s’étendre et se répandre ».

Cette idée de ville-parc diffuse comme une traînée de poudreà Londres, détruite quelques années auparavant par un incendie, puis plus tardà Saint-Pétersbourg, Washington, Delhi ou Canberra pour les plus célèbres. « Le militaire passe la main aupaysagiste » qui savait dessiner à grande échelle des chasses. Lesmilitaires se font tirer l’oreille, mais les glacis des remparts sont viterécupérés comme à Nancy – Stanislas Leczinski y fait construire une superbe place- et durant la période Haussmann à Paris – où les dessins portent l’idée d’unepacification de la ville. Du reste, les forêts royales étaient déjà tramées surle modèle romain et italien de l’alignement. Pour la première fois, l’art et lachasse unifient les paysages de la ville et de la campagne.

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L’agroforesterie, l’élevage à la ferme de Gally pour l’engraissementdu bétail, les potagers de Le Nôtre et l’étonnante maîtrise de l’hydraulique donnentun schéma global inspirant la ville moderne. Sans « la gestion des forêts pour l’énergie, des champs pour la nourriture,des sources et de l’hydraulique pour l’eau, la folie de Versailles n’aurait pasengendré l’une des villes de France les plus connues au monde ». Avecla technopole de Saclay au sud-est, elle offre une manière de laboratoire duXXIe siècle.

Rungis, une aberration

En citant l’introduction du cours de sociologie urbaine à Harvard dans les années 1960 (« De quoi meut un rat enfermé dans un sac deblé ? – Empoisonné par ses excréments ! »), Alain Cornet-Vernets’inquiète de l’extrême fragilité de nos villes qui devraient passer, selonlui, des crash-tests. Avec les salades d’Almeria, les tomates d’Agadir, lesharicots verts du Kenya, Rungis est un non-sens quand on sait qu’au XIXesiècle, Paris intra muros était autosuffisanten fruits et légumes produits par onze rotations annuelles. Elle peut leredevenir avec 50 000 emplois agricoles de haute technologie en économiecirculaire permacole. Si la forêt est en ville dans la smart city imaginée par Vincent Callebaut (2), c’est parce que cenouvel âge de l’humanité, l’anthropocène, doit rompre avec la mise à feu desénergies fossiles liées à la machine à vapeur. Suivons ce qui se passe àDetroit qui a perdu le tiers de sa population depuis 1950, a libéré 12 000ha de friches destinées à devenir des fermes urbaines.

Le livre de Cornet-Vernet est d’autant plus remarquable qu’il nous donne de voir le déclin démographique de l’Europe comme une chance. Rotterdam, Brême, Florence, Madrid et tant d’autres métropoles voyant leur population diminuer ont une chance à saisir pour le sevrage de leurs énergies fossiles et le développement ce que Versailles a su initier : après Louis XIV, Vauban et Le Nôtre qui ont introduit l’arbre en villes, qu’elles fassent entrer des forêts nourricières comme cela s’est enclenché au Bénin à Porto-Novo où les Africains peuvent nourrir les Africains. Sinon nous finirons comme les rats piégés dans une abondance qui nous aveugle.

(1) Alain Cornet-Vernet, Le futur de la ville. Réflexions et prospective, Presses des Ponts,2016

(2) Vincent Callebaut, Paris 2050. Les cités fertiles face aux enjeux du XXIesiècle, Michel Lafon, 2015.

Le silence de Mbodiène est particulièrement profond. Deux énormes kapokiers [des arbres géants] se dressent au milieu de cette petite ville côtière. Leurs longues branches jettent de l’ombre sur la place d’où partent des sentiers poussiéreux qui mènent à des maisons de plain-pied. Il n’y a pas de routes goudronnées ici.

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C’est l’après-midi. Une cloche sonne et une école maternelle crache des dizaines d’enfants sur la place. Leurs bavardages excités sont à peine audibles de l’autre côté, les arbres semblent absorber tous les sons.

Ville de pêcheurs et d’agriculteurs, connue uniquement des ornithologues, Mbodiène a toujours été tranquille. Un projet conduit par le chanteur sénégalo-américain Akon va cependant peut-être bientôt changer tout ça. L’humble Mbodiène a en effet été retenue pour accueillir Akon City, une ville futuriste “intelligente” qui devrait coûter des milliards de dollars et dont le chantier prendra dix ans.

“On n’a jamais eu un projet aussi grand”

Sur les esquisses des architectes, on voit un labyrinthe de métal tordu et de verre, avec des kilomètres de routes bordées de palmiers – une scène de science-fiction. Des tours d’un rose doré se dressent en face de la mer en ondulant vers le ciel, leurs grandes fenêtres et leurs courbes reflétant les flots. Sur ce décor, les observateurs de tout poil projettent toutes sortes de visions avant même qu’un seul bâtiment ne soit sorti de terre.

La ville doit devenir le “début de l’avenir de l’Afrique”. Selon le chanteur, elle dopera l’économie du Sénégal et attirera d’autres investissements étrangers, notamment dans le tourisme. Certains journalistes la comparent au Wakanda du film Black Panther. D’autres jugent le projet irréaliste.

Qu’en est-il des voisins d’Akon à Mbodiène ? En quoi profiteront-ils de l’expérience ? “On n’a jamais eu un projet aussi grand, dont on parle non seulement au Sénégal mais aussi en Afrique et dans le monde”, déclare Joachim Jean-Marc Diouf, 30 ans, un des dirigeants de l’association des jeunes de la ville.

Comme beaucoup de jeunes, M. Diouf est né à Mbodiène mais a dû en partir pour poursuivre ses études. Les universités et les hôpitaux les plus proches se trouvent à Mbour et à Dakar, la capitale, toutes deux à une heure de route au moins. C’est l’une des raisons pour lesquelles nombre d’habitants attendent Akon City

Qu’elle fasse office de décor post-apocalyptique ou de cadre utopique à la gloire du progrès technologique, la ville a toujours excité l’imagination des dessinateurs de bande dessinée. Présentation des villes futuristes les plus spectaculaires du 9e art.

Winsor McCay : la ville moderne et vertigineuse

Avec sa série Little Nemo in Slumberland, dont la publication démarre en 1905 dans les colonnes du New York Herald, Winsor McCay va influencer plusieurs grands noms de la bande dessinée, au premier rang desquels Moëbius ou François Schuiten. L’artiste américain y met en scène les aventures imaginaires d’un petit héros rêveur dans un paysage urbain onirique. Ce pays des merveilles regorge ainsi de gratte-ciels vertigineux, d’arches finement ciselées et de pièces de mobilier urbain aux lignes résolument inspirées par l’Art Nouveau. McCay se fait ainsi le témoin d’une époque – le XXIe siècle naissant – où la ville moderne, à la fois verticale et gigantesque, apparaît comme l’espace de tous les possibles. Son New York ville futuriste s’inspire directement des palais de stuc et des fausses statues antiques de la Columbian Exposition, une installation fameuse de l’Exposition Universelle de 1893 à Chicago.

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Hugh Ferriss : le père de Gotham City

S’il n’a jamais « réalisé » le moindre bâtiment, cet architecte américain a influencé la plupart des confrères de sa génération avec ses dessins de ville datant des années 1920-1930. Il est d’ailleurs considéré comme un « perspectiviste » plus que comme un architecte à proprement parler. Ses gratte-ciel, dont la silhouette rappelle parfois celle des temples mayas, ont contribué à définir l’architecture Art Déco, en particulier sa série de dessins de 1929 baptisée The City of Tomorrow (La métropole du futur), qui met en scène un univers urbain minéral, glacé, nocturne et dépeuplé, presque toujours traité avec de subtils clairs-obscurs et librement inspiré du Manhattan où vit et travaille Ferriss. C’est aussi au célèbre perspectiviste américain qu’on doit les premiers dessins de Gotham City, la fameuse cité sombre, décadente et malfamée où évoluera bientôt le superhéros Batman.

Alain de Saint-Ogan : trottoirs roulants et voitures volantes

Dans Zig et Puce au XXIe siècle, peut-être l’album le plus célèbre de cette série démarrée en 1925, le dessinateur français détourne avec un mélange d’humour et d’admiration les images futuristes d’Albert Robida réalisés dans les années 1880, qui mettaient en scène des mégapoles transformées par le progrès technique. Dans sa « ville du XXIe siècle », on retrouve donc des trottoirs roulants, des voitures volantes et même des ballons individuels pour se déplacer. Saint-Ogan imagine aussi une île flottante installée au milieu de l’océan Atlantique.

Archigram : la contre-utopie urbaine d’inspiration comics

Du début des années 1960 jusqu’au milieu des années 1970, six architectes anglais bouleversent l’histoire de l’architecture avec la publication du magazine Archigram. S’inspirant des codes graphiques de la bande dessinée de science-fiction – et en particulier des couvertures souvent criardes des comics – ils mettent en scène leurs utopies urbaines, mêlant l’innovation technique à la culture populaire. Si Archigram est surtout connu pour le projet Plug-in City porté par Peter Cook (une ville en perpétuelle expansion où chaque immeuble et chaque commerce a sa propre durée de vie), d’autres projets de villes futuristes ont été dessinés sous forme de BD par les architectes anglais. C’est le cas notamment de la Walking City de Ron Herron, cette « ville robotisée ressemblant à une machine de guerre », comme la décrit le catalogue de l’exposition Archi & BD, La Ville dessinée.

Lire la suite de l’article : Quand la BD imagine la ville du futur (2/2)

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