Deux courtes nouvelles.
Sang négrier: le capitaine d’un navire négrier devenu à moitié fou se remémore le pire moment de sa vie. Son commandant étant mort en mer, il eut l’idée de ramener son corps à St Malo à sa femme au lieu de l’immerger en mer et faire voile vers l’Amérique avec sa cargaison. Cinq esclaves vont s’échapper de la cale et une traque folle et sanguinaire va s’ensuivre. Un seul ne se fera pas reprendre laissant penser qu’il est mort…jusqu’au jour où un doigt noir sanguinolent va se retrouver cloué sur une porte…
: l’amiral de Medeiros revient dans le restaurant de Pimenta, ils prennent un café, regrettent le Mozambique où ils n’iront jamais et se souviennent des histoires du commandant Passeo et du contre amiral
Deux récits entre l’extraordinaire et le fantastique qui nous transportent entre terre et mer dans des contrées lointaines. Ces deux contes que l’on retrouve dans un autre recueil m’ont fait penser à son livre Salina. Un merveilleux conteur Gaudé.
VOYAGES EN TERRES INCONNUES de LAURENT GAUDÉ Deux courtes nouvelles.Sang négrier: le capitaine d’un navire négrier devenu à moitié fou se remémore le pire moment de sa vie. Son commandant étant mort en mer, il eut l’idée de ramener son corps à St Malo à sa femme au lieu de l’immerger en mer et faire voile vers l’Amérique avec sa cargaison. Cinq esclaves vont s’échapper de la cale et une traque folle et sanguinaire va s’ensuivre. Un seul ne se fera pas reprendre laissant penser qu’il est mort jusqu’au jour où un doigt noir sanguinolent va se retrouver cloué sur une porte Dans la nuit Mozambique : l’amiral de Medeiros revient dans le restaurant de Pimenta, ils prennent un café, regrettent le Mozambique où ils n’iront jamais et se souviennent des histoires du commandant Passeo et du contre amiral Da Costa . Passeo, lui, connaissait bien le Mozambique, il y commerçait et un jour leur raconta le trafic du sel, des épices, des clandestins entre Beira et Maputo, l’assassinat d’une femme, une femme de Tigirka mais il est interrompu dans son récit et promet de la terminer lors de leur prochain repasDeux récits entre l’extraordinaire et le fantastique qui nous transportent entre terre et mer dans des contrées lointaines. Ces deux contes que l’on retrouve dans un autre recueil m’ont fait penser à son livre Salina. Un merveilleux conteur Gaudé.
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[Retrouvez la critique du recueil complet ici]
Je me suis longtemps creusé la tête quant au sujet de l’article de cette semaine. Il faut dire que je reviens de deux semaines à Liverpool et entre toutes les visites de musées, de cathédrales et d’expositions, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour lire. J’ai pensé vous faire découvrir l’exposition sur l’Empereur Chinois et ses figurines de terre cuite que j’ai eu le privilège de voir pour la modique somme de £13 (15 euros / personne l’expo, c’est chouette quand vous voulez emmener la famille…) mais c’est en visitant le musée de l’esclavage que m’est venue l’idée de cet article sur un livre que j’ai lu l’année dernière et que j’ai très envie de vous faire découvrir : Voyage en Terres Inconnues.
C’est la seule couverture que je suis parvenue à trouver pour ce recueil de deux nouvelles car ce n’est pas un livre très connu bien que très étudié en collège apparemment. C’est à ma soeur que je dois la découverte de ce brillant auteur. Je l’ai lu sans à priori, bien calé dans mon fauteuil alors que je venais d’emménager dans mon nouvel appartement et ce livre m’a transporté, l’espace d’un instant, à travers le temps et l’espace à St Malo d’abord puis dans le Mozambique…Soyez indulgents avec cet article, cela fait longtemps que je l’ai lu et je n’ai pas eu le temps de me replonger dedans…
Sang Négrier :
C’est le récit à la première personne d’un capitaine d’un vaisseau négrier venu capturer des Noirs au large de l’île de Gorée pour les revendre aux Etats-Unis. Ils nous fait sans aucune compassion, avec beaucoup de détachement la description des conditions de la traversée : entassé à fond de cale, enchaîné, ballotté par le roulis…Ils hurlent quand ils quittent les côtes de l’Afrique car ils savent qu’ils ont été réduits en esclavage, arrachés à leur terre natale, dépouillés de leur liberté et de leur dignité, peut-être à jamais…Ils sont malades dans le bateau, ils sont assoiffés et épuisés, ils croupissent dans leur vomissures…Vous verrez d’ailleurs au International Slavery Museum (que je vous conseille entre parenthèses même si, si vous voulez y aller, vous avez intérêt à avoir le coeur bien accroché) une salle circulaire sur les murs de laquelle vous avez des écrans de chaque côté et sur ces écrans des esclaves pendants la traversée. Vous entendez le grincement du bateau et vous voyez l’image tanguer au rythme du roulis, vous voyez les de gros anneaux en acier accrochés à leur cheville, vous les voyez se vomir dessus. Comme l’image est de chaque côté et comme vous avez à la fois le bruit et les images, c’est presque trop vrai. Vous avez l’impression d’y être et c’est d’une violence à vous soulever le coeur. Quand j’ai quitté la salle, j’étais physiquement entre les larmes et la nausée. Bref, fin de la parenthèse. Un homme meurt je crois durant la traversée, le capitaine si ma mémoire est exacte, il attrape une maladie tropicale sur l’île. Voilà le vice-capitaine, notre narrateur, promu capitaine. Il n’est pas habitué au commandement, il doit prendre des décisions…Il décide de retourner à St Malo plutôt que de jeter le cadavre à la mer comme l’exige la tradition marine afin de rendre le défunt à sa famille. Il jette la dépouille dans la soute avec les esclaves, et vogue la galère. La puanteur est telle (je rappelle qu’il n’y avait bien sûr pas de chambres froides et que le voyage durait plusieurs jours…Rien pour empêcher la putréfaction) que les esclaves vomissent pendant tout le trajet. Le vaisseau arrive enfin à bon port, mais alors qu’ils font escale, les esclaves s’enfuient. Le capitaine à peur, ses hommes doutent de lui et de ses capacités à commander, il doit retrouver ses esclaves s’il veut garder sa position. Ils organisent des battues pour trouver les fuyards et tous, population et équipage compris se livre à une véritable chasse à l’homme. S’ensuit une véritable débauche de sauvagerie où la foule, animé par des préjugés racistes (« les Nègres sont des animaux sauvages, ils viennent nous tuer, personne n’est en sécurité… ») et surtout par la haine portée à incandescence par la peur, quadrillent les rues, armes à la main. Il y a une soif de brutalité et de sang, une violence et une barbarie telle que seul Laurent Gaudé peut la décrire. Ils trouvent quatre des cinq fuyards avant de les abatte comme des animaux, avec une cruauté impitoyable. Le cinquième et dernier, malgré trois jours de chasses ininterrompues est introuvable…L’histoire se tasse un peu, il est probablement mort se dit on. Les gens reviennent à leur occupations habituelles et on oublie l’événement…Sauf pour le capitaine qui en fait une affaire personnelle (vous commencez à voir se dessiner le caractère d’un homme colérique, violent et insensible préoccupé par sa seule position, un homme qui a peur, qui ne se sent pas légitime dans son poste de capitaine et qui ne maintient son autorité que par la force brute). Les choses se tassent disais-je donc et on oublie l’événement jusqu’à ce qu’un matin, on découvre le doigt d’un noir cloué à la porte d’un homme responsable de la traite, je ne sais plus lequel. Il meurt dans la journée. Le lendemain, un deuxième doigt est trouvé et la fille de la personne passe sous un carrosse. Huit autres doigts, huit autres malheurs qu s’abattent sur tous ceux qui ont trempé de près ou de loin dans cette horreur. Le Capitaine largue les amarres avant d’assister à la découverte du dernier doigt, car il sait que celui-ci est pour lui…Il reste des mois durant au large tant il a peur de revenir. Enfin, quand le dernier des dix doigts a été retrouvé, il se décide à rentrer. Il se croit en sécurité jusqu’à ce qu’il ne trouve un onzième doigt cloué à sa porte…Il ne meurt pas tout de suite et c’est un sort pire encore qui l’attend : il devient fou, paranoïaque. Il vit dans la peur, c’est comme si l’esclave était devenu la ville-même et partout où il va, il sent son regard sur son dos.
« Cette ville me fait horreur. Je sais qu’elle lui appartient désormais, qu’il y règne. Je sais que lorsque le vent dans les persiennes m’insulte, c’est parce qu’il lui a demandé de le faire. Je sais que lorsque les pavés me font trébucher, c’est parce qu’il les a déplacés. »
S’achève ainsi la juste vengeance de l’esclave…
Ce que j’ai aimé :
- L’écriture magnifique, hypnotique même de Laurent Gaudé, les mots toujours justes avec lesquels il décrit la barbarie de la foule…Il ne nous épargne aucun détail et il décrit toute la scène à travers l’oeil froid et détaché du capitaine, ce qui accentue encore l’horreur de la chose.
- L’inventivité de la nouvelle et ses retournements de situation inattendus. Je n’ai vraiment pas vu venir le onzième doigt et l’irruption du fantastique, de l’étrange dans le réel (l’histoire est d’autant plus ancrée dans le réel qu’on a des repères géographiques et historiques : le commerce triangulaire, St Malo…).
- Le sujet de l’esclavage qui est un sujet sérieux, souvent abordé mais toujours sous le même angle : le pauvre petit noir victime de la méchanceté…Ici c’est sous une toute autre perspective que l’on traite le sujet : c’est l’esclave doté de pouvoirs surnaturels qui jettent une malédiction sur la ville, il est chassé, mais il se montre plus malin que ses poursuivants. Il n’est pas victimisé mais traité en tant que personnage puissant et intelligent qui se venge sur ses ravisseurs et bourreaux.
Ce que je n’ai pas aimé :
- Rien en fait…Je ne vois pas quels défauts on pourrait trouver à cette superbe nouvelle qui a le don de vous faire glacer le sang dans les veines…
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